Radiation

Il est notoire que l’entretien d’un blog exige une certaine régularité. Or, je me rends compte que le mien est resté muet depuis le 30/11/22, date à laquelle j’ai annoncé à mes lecteurs ma radiation de l’Ordre. Je me propose donc de reprendre un rythme, en commençant par narrer ce qui s’est passé depuis : on verra que, comme avec les Galeries Lafayette, « il se passe toujours quelque chose » avec le Dr Girard, et que ce quelque chose est très instructif concernant la thématique de ce blog – à savoir la médicalisation et ses tares.

Il s’avère que depuis plusieurs années déjà, je souffrais d’une boiterie de plus en plus douloureuse, et donc de plus en plus invalidante. La chose s’est aggravée avec mon installation en Mayenne à l’occasion de ma retraite, alors que je comptais au contraire galoper dans les chemins du Bocage (la Mayenne est une grande région d’élevage équin). L’apparition de ce handicap importun a généré un véritable état dépressif : je vis dans un département rural, où la solidarité à l’égard des handicapés n’est pas un vain mot, et j’ai la souvenir objectivement humiliant d’une dame âgée (bien plus que moi) s’arrêtant spontanément pour m’aider à traverser une rue. Idem dans une Biocoop où une responsable me fit passer en priorité devant les files surchargées : inutile de dire que personne n’eut l’idée de protester tant je faisais minable.

Par égards pour mes proches qui s’alarmaient de me voir dans cet état, je commençais le ballet des professionnels de santé, quoique d’un naturel peu enclin à consulter. Je n’ose raconter la dynamique diafoiresque du processus dont les principaux diagnostics furent : lombalgie chronique, canal lombaire étroit et surtout « maladie de Parkinson ». Je revois le geste aussi autoritaire que désinvolte de ce collègue mimant avec son doigt les injections de dopamine, sans considération aucune pour mes protestations que, quoi qu’il arrive, je ne prendrai JAMAIS de dopaminergiques – médicaments dont le potentiel addictif (addiction aux jeux) est effrayant.1.

C’est aussi le moment où, très logiquement, je demandais à l’Ordre le transfert de mon dossier en Mayenne – pour me voir répondre que l’Ordre n’avait aucune trace de mon dossier. S’ensuivit alors un périple très éprouvant dans les différentes instances concernées : départementales, régionales. J’ai souvenir d’un passage très pénible à Nantes (Ordre régional) où, arrivé très en avance sous la pluie devant un bâtiment fermé à clé mais sans rien pour s’asseoir, j’en ai été réduit à poireauter gelé et assis par terre dans une petite cour minable2

La première anecdote marrante, c’est que me voyant dans ce triste état (je m’affalais sur la première chaise venue quand j’arrivais, je fus même quasiment porté par un collègue en l’absence d’ascenseur : l’Ordre des médecins de la Mayenne est bizarrement dispensé de l’obligation d’aménager un accès pour handicapés – et Dieu sait si j’étais handicapé), pas un des éminents confères qui n’ont cessé de brocarder mon incompétence médicale n’a eu l’idée du vrai diagnostic à savoir tout simplement « arthrose de la hanche », justiciable d’une bête prothèse. 3. Au passage, et puisque le débat à l’Ordre a porté aussi sur ma capacité à prescrire des antalgiques, je constate qu’à mon initiative, je suis passé d’une prescription de morphiniques à, en tout et pour tout, Doliprane (400 mg)-kétoprofène (50 mg). Il y a plus menaçante comme « mise en danger » iatrogène…

On reconstitue sans peine que, dans de telles conditions de douleur permanente, j’avais une réactivité de cadavre pour discuter avec mes confrères de l’Ordre. Ce que je ne savais pas, c’est que ces conversations que je croyais de courtoisie (où je répondais avec le désir de rentrer chez moi m’allonger le plus vite possible) étaient considérées par l’Ordre comme un examen de mes compétences – sachant que, de tout façon, j’avais tort a priori4 De ma vie, c’est la première fois que je passais un examen sans savoir que je passais un examen…

La suite est facile à reconstituer : j’ai tellement mal répondu qu’on a estimé que j’étais vraiment dépassé, et ma seule issue était de me soumettre à un DIU de mise à niveau, une sorte de concours pour médecin passé de date à raison d’une assiduité vérifiée de 842 h, moyennant la modique somme de 8 500 euros (à laquelle il convient d’ajouter les frais de route), et sans aucune garantie de succès… Un responsable de la Fédération des Médecins de France m’a affirmé qu’il y avait énormément de candidats et fort peu d’élus (aux dernières nouvelles, à la faculté de médecine d’Angers pour ne citer que la plus proche de chez moi, il est prévu de recevoir trois candidats seulement, sur des critères plus que vagues où compte surtout l’opinion des enseignants. On imagine sans peine les abus où peut conduire cette onéreuse évaluation personnalisée : quand une gamine bien roulée se sera ruinée pour s’inscrire, qu’est-ce qui empêchera un responsable de l’enseignement d’exiger pour la recevoir (et l’autoriser à rentrer dans ses fonds) des prestations pas forcément académiques.

Bon, bref. Quoique la Mayenne soit un département gravement sinistré par une pénurie de médecins, il n’y a pas de place pour moi. Il me faut trouver un « médecin référent » sorti d’Europe centrale et baragouinant un français approximatif…

C’est pourquoi, nonobstant l’interdiction qui m’est désormais faite de prescrire, j’ai résolu de poursuivre la pratique consistant à informer les gens des questions de santé les plus aigües : par exemple, en leur expliquant de la pandémie Covid est juste une sinistre plaisanterie… La rationalité de cette pratique

 

 

découle du nombre incroyable de professionnels qui ont gobé et propagé cette plaisanterie.

  1. De plus, il allait de soi que je n’avais aucun des symptômes réputés typiques de la maladie de Parkinson
  2. J’avais mis mon costume des grands jours, tout noir, que je craignais de dégeulasser ridiculement
  3. On me dira que je n’ai pas non plus eu l’idée de ce diagnostic banal, mais je viens d’expliquer le contexte de confusion/dépression où ça s’est passé
  4. Je fis scandale en soutenant qu’il n’y a pas besoin de médicamenter une hypertension artérielle modérée, et j’échappais de justesse au bûcher en soutenant qu’il était criminel de prescrire près de 10 médicaments à une femme de 85 ans.