Comédie pandémique : pourquoi?

Rarement, sans doute, aura-t-il existé, dans la société, un tel niveau de consensus sur la nullité du personnel politique en place : la Toile est saturée de témoignages concernant le grotesque, la brutalité ou l’arbitraire des consignes officielles.

Introduction

Je ne pense pas exagérer en constatant que le niveau d’insultes à l’égard de nos dirigeants a dépassé la norme pourtant très lâche en la matière, émanant de contributeurs dont le niveau de syntaxe et d’orthographe dit assez qu’ils sont loin d’appartenir aux « Lumières » de l’époque : dit autrement, cela signifie qu’il n’est pas besoin d’avoir beaucoup réfléchi ni beaucoup étudié pour être révolté par le délabrement de l’intellect chez les décisionnaires politiques. Il suffit d’écouter autour de soi pour constater que quasiment n’importe qui a désormais une expérience personnelle du ridicule imperturbable dont font preuve nos dirigeants, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale.

Pourtant, hormis quelques manifestations anecdotiques, loin derrière celles, récentes, des Gilets Jaunes qui furent elles-mêmes fort loin d’une révolution, on ne voit rien venir : les gens ne descendent pas dans la rue, ils ne cherchent pas à subvertir le système qui les écrase, ils grommellent mais ils obéissent. Comment expliquer une discordance aussi patente entre l’exaspération des foules et leur docilité ?

Retour sur les “acquis définitifs” des années 1960

Visant une certaine cohérence dans le déluge d’insanités intellectuelles qui a envahi l’espace médiatique depuis le début de la « pandémie », je partirai d’un double constat sans rapport évident, mais dont la signification profonde m’avait d’emblée frappé. Je veux parler du triomphalisme d’Emmanuel Todd introduisant son propos sur l’actualité de la lutte des classes (et donc sur la misère des gens) en célébrant comme “acquis définitifs” les progrès du féminisme d’une part, la désinhibition homosexuelle d’autre part : c’est la force du système que les plus patents de ses vices soient grimés en triomphes par les dominés.

Préalable méthodologique

Considérant cependant que le présent site est un lieu de réflexion et non une batterie de DCA d’où l’on tire sur tout ou partie des scandales de l’époque, je m’abstiendrai de multiplier notes et références concernant des choses qui sont connues depuis longtemps et qui n’ont pas fondamentalement changé:1 ainsi, je maintiens que l’alerte au coronavirus est surperposable à celle de la grippe H1N1 et, de nouveau, je me permets de renvoyer à l’ouvrage que j’avais consacré à ce sujet, dont je n’ai pas à modifier une ligne. Pour ne prendre que cet exemple, la Toile de ce début septembre 2020 s’indigne de la promesse faite aux fabricants qu’ils soient exonérés de toute responsabilité liée aux complications d’un éventuel vaccin, dont la prise en charge serait alors transférée aux contribuables : mais ce fut exactement la même chose avec les complications de Pandemrix, à cela près que les gouvernants qui en avaient décidé ainsi – des gens aussi intellectuellement distingués que Roselyne Bachelot – ne s’en vantaient pas comme si ça allait de soi.

Dans la même veine de pensée, on s’abstiendra du politiquement correct consistant à ignorer ce qui devrait aller de soi: qu’il y a des hommes et des femmes, par exemple, et que ce n’est vraiment ni pareil, ni interchangeable à volonté… Ou encore qu’il y a des riches et des pauvres, qui n’ont vraiment pas les mêmes intérêts. On ira même jusqu’à juger qu’en pareille espèce, le fardeau de la justification ne pèse pas sur mes épaules… Mes lecteurs sont présumés connaître ma pensée sur ces sujets; ceux qui ne sont pas encore des fidèles la reconstitueront sans peine sur la base des interventions que j’y ai consacrées et dont près de 500 sont réunies sur le présent site. Les autres peuvent aller voir ailleurs…

Le féminisme

La préférence des patrons pour le féminin

Une culture même élémentaire permet de reconstituer que, dans l’histoire de la modernité capitaliste2, c’est très précocement (au moins dès le XVIIIe siècle) que les employeurs ont été fascinés par l’intérêt de s’approprier la puissance de travail des femmes. Pourquoi, puisque – n’en déplaise à Françoise Héritier et à ses disciples – les hommes ont, en moyenne, plus de force physique (à une époque où une bonne part du travail exigeait cette sorte de force)?

Ce qui fascinait les patrons, c’était avant tout le moindre coût de la main d’oeuvre féminine, lié à la concession sociétale d’un salaire simplement “d’appoint” (pour des tâches qui étaient loin d’être juste “d’appoint”). Mais par delà cette réalité facilement objectivable (ils se passaient l’information statistique sur le minimum acceptable), il y avait cette intuition que dans l’ensemble, les femmes sont bien plus travailleuses (et donc bien plus rentables) que les hommes. C’est que le rapport au travail n’est pas du tout le même chez les hommes et chez les femmes.

La littérature patronale du capitalisme en voie de constitution est intarissable sur cette réalité anthropologique: surtout quand il est employé et donc salarié, l’homme (le mâle) n’aime pas travailler. Sitôt accompli le minimum qui lui paraissait utile, sinon nécessaire, l’homme abandonnait son poste et s’en allait baguenauder: au café, au bordel, à la chasse (ou au braconnage), à la pêche, sur les bottes de paille, dans l’herbe… C’était le règne du “Saint Lundi”, qui pouvait déborder sur le Saint Mardi et qui exaspérait les employeurs, c’étaient les mignardises de “La bête à huit pattes” qui exaspéraient les curés et autres pères-la-pudeur plus ou moins méthodistes (je parle Outre-Manche…). Rien de comparable chez la femme, habitée depuis toujours par le souci d’assurer l’entretien domestique de ceux qui dépendent d’elle (les enfants, en particulier) et rarement candidate à aller faire dodo la première…

De mauvais esprits vérolés de machisme, tels que l’historien Eric Hobsbawm, soutiennent aussi que dans le cadre d’une entreprise, les femmes étaient aussi plus dociles – en moyenne – que les hommes, mais ça ne peut être que parce qu’ils n’ont pas lu les inégalables pensées de Simone de Beauvoir sur le “deuxième sexe”.

Un rapport différent au travail

Habitus du temps jadis? Il est patent que le rapport des femmes au travail salarié reste distinct de celui des hommes, et que le féminisme a puissamment contribué à la pérennité de cette distinction: les femmes – les féministes n’ont cessé de le seriner – ne vont pas au travail pour gagner du fric, mais elles ont besoin d’être reconnues, reconnues au point parfois (souvent?) de mettre au second rang leurs liens de couple ou les exigences de leur maternité. À titre de preuve, je renvoie mes lecteurs à la presse féminine ou à l’expérience du travail en entreprise. Il est certain, cependant, que quand on bosse pour être “reconnu(e)”, on met le doigt dans un engrenage de séduction (au sens le plus large du terme) qui laisse loin derrière l’antique question du travail bien fait et de sa rémunération3. Bref et pour résumer: les hommes cherchent à gagner au plus vite le plus d’argent possible, les femmes adorent qu’on leur dise qu’elles sont et font super bien – je parle évidemment en moyenne (sans être certain qu’il reste beaucoup de contemporains à savoir ce qu’est “une moyenne”)…

Quand l’enjeu n’est plus de manger (en 1789, on a vu l’efficacité des femmes pour mobiliser la foule des affamés) mais de plaire, il est plus difficile de reconnaître la communauté de destin qui attise une conscience de l’exploitation et le désir d’y mettre fin. D’autant plus difficile que les vraies différences (celles entre les sexes, par exemple) sont noyées dans une fallacieuse uniformité qui affadit le goût de l’Autre de l’autre sexe en entretenant l’illusion qu’elles n’ont rien d’irremplaçable. Quand faute d’hommes, en 1914-18, les femmes s’étaient mises à faire ce que les premiers avaient toujours fait (moissonner, labourer, fabriquer des obus…), la tonalité n’avait pas été celle de la compétition triomphante, mais celle du deuil… L’idée n’est donc pas de marquer des points dans une fausse “égalité” – ce maître-mot qui fait tellement l’affaire… des hommes d’affaires-, mais de se sentir bien bien dans un monde limité par des différences dont le déterminisme nous échappe: personne ne m’a demandé mon avis avant de m’octroyer une corps d’homme mais, même si j’en connais les inconvénients, pour rien au monde, je ne voudrais en changer…

Retour à la “Nature”

On finirait par croire au Bon Dieu en constatant que malgré les immenses progrès de “l’émancipation” célébrée par les blaireaux comme Todd, les pires désordres du capitalisme ont une fâcheuse tendance à stimuler un retour à la Nature qui n’est pas celui chanté par les blairelles d’EELV: lorsque, sur consigne du “Conseil Scientifique” de Jupiter-Macron, il faut confiner les gamins enrhumés, quel est le sex-ratio de ceux qui se voient mis en quarantaine, interdits de travailler et donc privés de salaire?…

Autre constance des inégalités sexuelles que le système ne contrôle pas: la fixation des pensions alimentaires dans le contexte de cette autre “émancipation” qu’on appelle divorce. Pour prendre la mesure de l’égoïsme borné des juges, qu’il suffise de comparer le niveau des pensions alimentaires ordonnées après divorce à celles fixées quand il s’agit de soutenir un ascendant âgé, situation où le magistrat moyen se représente bien plus en situation que quand il s’agit de compatir à la vie d’une jeune femmes abandonnée avec ses mioches plus ou moins métis. L’inégalité sexuelle qui prévalait autrefois à propos des salaires se reproduit dans ses effets – la misère d’un grand nombre de femmes – quand le déterminisme a changé. On peut même dire que par leur mesquinerie indubitablement sexuée, les magistrats des affaires familiales perpétuent un système d’exploitation pour la plus grande prospérité des exploiteurs (je parle toujours en moyenne): il suffit d’aller faire la queue aux caisses des supermarchés pour constater le sex ratio des perdants du divorce.

La promotion de l’homosexualité

La vraie pandémie dont on ne parle pas

Quoique l’omerta sur le sujet soit tenace, il est utile de rappeler que l’émergence du SIDA a été, cette fois, une vraie pandémie, sans doute la plus importante de ces dernières décennies. À son origine au moins, elle fut très corrélée aux comportements sexuels extrêmement contestables d’une minuscule sous-population initialement adonnée à des pratiques de toxicomanie, de tourisme sexuel post-colonial et de multiplication des partenaires – tous comportements par rapport auxquels le citoyen « ordinairement décent » (pour parler comme Orwell) n’aurait dû avoir aucune raison de se sentir la moindre communauté de valeurs : on est nettement plus contagieux quand on a des centaines de partenaires que quand on reste dans une mesure dictée par la raison et l’expérience. Mais faut pas le dire et d’ailleurs, personne n’ose le dire : pour pasticher Todd, mais de façon plus discriminative, il y a des « acquis » apparemment « définitifs » qu’on serait mal venu de remettre en cause.

Business et compassion

Ce peut-être au passage l’occasion de remettre en cause une omerta aussi tenace : je ne cesserai de rappeler que l’affadissement de la réglementation pharmaceutique, débouchant sur l’accélération des procédures d’enregistrement (et donc sur la mise en danger de la santé publique sous les prétextes les plus vaseux tels que la prévention des infections à HPV) a été initié par les lobbies homosexuels dans leur quête panique de traitements contre le SIDA. Un minimum de connaissance du milieu pharmaceutique permet de reconstituer la force des liens financiers entre les principales associations gay et Big Pharma, qui est tout sauf ingrat : les « acquis » de l’émancipation sont d’autant plus « définitifs » qu’ils sont confortés par l’argent du capitalisme.

Sexe et limitation

Même si les sociétés humaines ont toujours eu, au moins dans les marges, des pratiques de défi ou de concession par rapport à une contrainte qui s’impose généralement au vulgum pecus, il est difficile d’être simultanément (ou successivement) homme ET femme. Ce n’est que très récemment que s’est imposée l’idée d’un choix à volonté – éventuellement sous forme d’une option pour le bac

Cependant, les super pédagogues qui, aigris par leurs propres échecs scolaires, ont estampillé Professeur des écoles l’antique et respectable instituteur avant de transformer l’école en fabrique du crétin, ont oublié ce détail : on peut apprendre beaucoup de choses dans les livres ou l’équivalent, mais s’il en est une qui reste fatalement hors de portée – maudit Bon Dieu – c’est l’expérience orgasmique de l’autre sexe. Je peux être un athlète de l’accouplement adjoint d’un sexologue encyclopédique, je peux connaître telle partenaire dans ses plus infimes détails de son plus intime fonctionnement (de son point G à son point Z’), je peux connaître toutes les caresses qui la feront exploser (presque) à coup sûr, sa jouissance restera le point aveugle à ma frénésie de découverte, justifiant l’éternelle question des amants (presque) repus : « ça t’a fait quoi ? »…

Ça n’a l’air de rien, mais il y a une éthique de la connaissance dans cette inquiétude authentiquement épistémologique : si certain que je puisse être de l’effet produit, je ne saurai jamais l’essentiel. Ce ne peut-être un hasard si, chez les philosophes les plus exhibitionnistes de leur homosexualité, cette méconnaissance désinvolte du point aveugle les a entretenus dans l’imposture durable d’une « émancipation » allant jusqu’à la promotion des pires dictateurs islamistes…

Discussion

Qu’il y ait eu, à la fin de l’Ancien Régime, un effort des « élites » pour détruire la culture populaire, est un constat que d’autres ont fait avant moi. Aux modalités de cette acculturation menée par les possédants et par le clergé, j’ai ajouté le rôle des médecins en montrant que cette culture indésirable aux yeux des élites s’enracinait dans un rapport au corps très différent du nôtre, notamment pour ce qui concernait la sexualité, la procréation et la relation avec les soignants. Avec Benoît Garnot4, j’incline à penser que ce « dressage culturel du peuple » visait à occulter la réalité de la lutte des classes, et qu’il avait échoué jusqu’à un proche passé : les gens du peuple ne renoncent pas si facilement à des manières d’être et de penser (« la décence ordinaire ») très au-delà des modes.

Ceux qui pensent comme moi devraient donc être reconnaissants à Emmanuel Todd de remettre au premier plan une lutte des classes actualisée après l’éclipse trompeuse des « Trente Glorieuses ».5 Il saute aux yeux, pourtant, que cette actualisation souffre de tous les mécanismes complémentaires d’occultation mis en place vers la fin des années soixante, au premier rang desquels je range les « acquis définitifs » chantés par Todd : le féminisme d’une part, la promotion de l’homosexualité d’autre part – qui en disent long sur l’effrayant pouvoir de récupération mis en place par le capitalisme pourtant agonisant.

Je n’ignore pas que s’acharner sur la fin des années soixante a des relents de sarkozysme : mais on ne renonce pas à soutenir que la terre tourne autour du soleil au motif que, dans les collèges et ailleurs, des Petits Choses pitoyables ou sadiques l’ont seriné également. Il est patent qu’alors que nous vivons une crise sociétale probablement sans précédent, où les libertés les plus fondamentales sont bafouées :

  • le féminisme a accoutumé les esprits à une violence des rapports de travail et à une perte de sens du poiein tout en entretenant, sous prétexte « d’émancipation », un rapport au corps aberrant qui justifie les brutalisations dont nous sommes témoins (et victimes) aujourd’hui ;
  • la promotion de l’homosexualité a glorifié l’absence de limites et brouillé les expériences épistémiques les plus fondamentales, interdisant une compréhension même minimale des mystifications actuelles tout en libérant la parole de ceux, « experts » inclus, qui savent tout sans avoir rien appris (la réglementation sur les conflits d’intérêts notamment).

Conclusion

“Comment expliquer une discordance aussi patente entre l’exaspération des foules et leur docilité ?” disais-je en Introduction.

Simplement parce que dans son immense perversité, le capitalisme a su convaincre les gens que leur docilité avait valeur d’émancipation. Et qu’en plus on ne devrait pas rigoler avec les menaces idiotes concernant la préservation coûte que coûte d’une vie pourtant largement dépourvue de valeur(s).

Le désastre civilisationnel de la “pandémie” au COVID est le point d’orgue de toute cette imposture.

  1. Ce constat, qui vise une volonté de terroriser les foules par des menaces sanitaires toutes plus grotesques les unes que les autres, mérite d’être actualisé comme suit. Par rapport au coup de force ayant remplacé la médecine curative par une médecine censément préventive qui fait de tout un chacun un malade potentiel, il n’est même plus besoin de définir la maladie qu’on prétend éradiquer: personne ne sait contre quoi on lutte sous prétexte de Covid (quelle symptomatologie, en particulier), ce qui permet en l’espace d’une demi-journée d’alterner les messages rassurants vantant la sagacité des autorités et les messages alarmistes justifiant les pires excès (reconfinement, quarantaine…) avec la bénédiction du Conseil d’État.
  2. À rebours des sophistications terminologiques qui brouillent plus qu’elles n’éclairent, j’appelle “capitaliste” la tendance qui consiste à priver les travailleurs de leur outil de travail, sachant qu’historiquement, ce processus de spoliation a commencé avec la disponibilité de la terre. Sauf quand on est adhérent à la FNSEA, il est évident que ça continue…
  3. Paramètre qui échappe aux féministes quand il s’agit de comparer la rémunération des hommes et celle des femmes.
  4. Benoît Garnot. Le peuple au siècle des Lumières. Échec d’un dressage culturel. Imago, 1990.
  5. Céline Pessis et coll. Une autre histoire des Trente Glorieuses. La Découverte, 2015).