Le hasard des lectures me ramène à une question quasiment identique à celle que j’avais posée le 10/02/21 (c’est-à-dire voici quatre mois) : la médecine est-elle une science ? Dans cette précédente contribution, j’avais déjà attiré l’attention de mes lecteurs sur la dimension éminemment politique de la question posée. On peut penser que cette dimension « politique » va encore plus de soi à propos d’une déflagration planétaire telle que l’installation du IIIe Reich et son idéal génocidaire.
Le livre « Devant l’Histoire » présente « la querelle des historiens », à savoir la polémique pour savoir s’il y a quelque chose de spécifiquement germanique dans le développement du nazisme et le génocide des Juifs. Durant longtemps, la réponse semblait aller de soi, comme attesté par une multitude de contributions (dont celles de Freud, d’Elias, de Friedländer, de Hilberg et de bien d’autres encore). Ce qui tenait de la quasi-évidence a brutalement basculé lorsque, à l’instigation d’Allemands (pas tous historiens), certains révisionnistes se sont avisés que cette tragique connivence des Allemands dans leur majorité s’expliquerait par l’antériorité du modèle soviétique et des horreurs staliniennes en particulier. J’ai évidemment mon idée sur le sujet, mais l’intérêt de la présente contribution est qu’on peut s’en passer, car le débat sur la spécificité germanique du nazisme a dérapé.
Ladite « querelle », en effet, ne consiste pas en un inventaire critique des faits disponibles (par exemple : y a-t-il eu des camps de concentration ou des chambres à gaz ? On sait qu’il y a des gens pour le mettre en doute…). Qu’ils soient historiens professionnels, journalistes ou simplement profanes, tous les intervenants se posent en sourcilleux épistémologues de ce que requiert la « scientificité » du débat : chacun se pose – et non sans arrogance – en patron de thèse pour déterminer si le contradicteur a respecté les exigences de la Science historique. Or, il n’est pas besoin d’être très cultivé pour savoir qu’il existe une relative unanimité pour convenir que l’Histoire n’est PAS une science (parce qu’on ne peut pas soumettre les faits historiques, par définition passés, à quelque vérification expérimentale que ce soit : on ne peut pas annuler le passé).
On est donc confronté à une querelle véritablement ubuesque où, tout en convenant que l’Histoire n’est pas et ne peut pas être une science, chacun s’escrime à se parer du prestige de LA science et à contester aux contradicteurs le droit de faire pareil. On voit bien, dès lors, que l’enjeu est celui d’une usurpation, qui ne s’explique en fait que parce que, « Dieu étant mort » (dit-on), il ne reste rien d’irréfutable à part LA science…
De fait, nous ne sommes pas très loin de ma première publication, ni du souci qui donne son unité au présent site : peut-on vivre en se passant des « experts », surtout quand ces experts (plus ou moins autoproclamés) sont des blaireaux ?