Un virus très pieux

Non sans ironie bornée (compte tenu de la gravité de la situation sanitaire), j’ai osé brocarder le ridicule des mesures prises par nos dirigeants. Ainsi, on a pu constater que la dangerosité de la pandémie s’estompait pour la fête de Pâques, qui, rappelons-le, marque un sommet dans la religion des Chrétiens. Après désinfection mutuelle, on a pu voir les Croyants, la main (plus ou moins désinfectée) dans la main (pas forcément propre) avec les mécréants, soudainement autorisés à se baffrer en souvenir de la Passion.

Encouragé par cet écart, je me suis pointé dans un magasin d’ameublement, histoire d’assortir la fête de tissus à la hauteur de l’occasion. Comme annoncé par la presse, le magasin était ouvert ET confiné : par téléphone, le vendeur de garde a pieusement écouté ma demande et, après évaluation (forcément rigoureuse) de la situation épidémiologique, a accepté de me recevoir sur rendez-vous pour que je fixe mon choix… Plus con comme procédure de prévention, tu meurs…

C’est que, de contamination présumée en contamination potentielle, tout le monde (incluant, je crois, les momies du Louvre) est supposé avoir été un sujet-contact. Cet engluage de tout un chacun dans un réseau implacable n’est pas sans rappeler celui dans lequel l’Église catholique piégeait tout le monde moyennant une conception très extensible de la « famille » par le truchement du baptême, avec pour résultat qu’il fallait payer pour lever l’interdit de l’inceste entre apparentés même à la mode de Bretagne.

Qui ne voit que, sous prétexte d’un risque de contamination censé menacer tout le monde, on est retombé peu ou prou dans une situation comparable : comme il est interdit d’exercer son métier (et donc de gagner sa vie), on reconstitue que pour obtenir les dispenses idoines, il doit falloir payer, contribuant du même coup à des fortunes locales – assorties, pourquoi pas, d’une Légion d’honneur…