Témoignages

Introduction : L’homme qui ne rit pas…

 

A aucun moment, nous n’avons ressenti ironie ou moquerie de sa part (…)

Cette attestation est établie en vue de sa production en justice et je suis informé qu’une fausse déclaration de ma part m’expose à des sanctions pénales.

Le citoyen français qui me fait ainsi publiquement crédit de lui avoir épargné ironie et moquerie sait que selon les termes de la loi, il encourt des sanctions pénales en cas de fausse déclaration. Il exerce la profession de magasinier. Il raconte, avec ses mots à lui, la contre-expertise dont, avec son épouse, il a fait l’expérience en mon cabinet de Versailles, dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile qu’il a déposée depuis maintenant de longues années. Des dix lignes appliquées où il a concentré cette expérience, un souvenir prédomine, dont on sent bien qu’il le bouleverse encore aujourd’hui : « à aucun moment » le Dr Girard ne s’est moqué…

Or, sur quoi portait donc cette contre-expertise pour laquelle l’expert qui s’est abstenu de rire mérite assez de reconnaissance pour qu’Antoine A. accepte sans une once d’hésitation de consigner dans une attestation écrite le souvenir qu’il en a gardé ? Simplement, sur la mort de sa fille – âgée de 11 ans seulement, après six mois d’abominables souffrances…

Il apparaît donc qu’en France, au début des années 2000 (c’est-à-dire de façon contemporaine de l’affaire d’Outreau qui pose, elle aussi, un important problème d’expertise), un expert judiciaire – médecin, de surcroît (à ce titre supposé doté d’un minimum d’inclinaison compassionnelle) – peut se voir couvert d’éloges au seul motif qu’écoutant des parents raconter la mort atroce de leur petite fille, il n’a pas ri

Nous avons rencontré un homme qui a su nous écouter et comprendre toute l’émotion que nous pouvions ressentir lors de l’évocation de ces faits.

Si ahurissante soit-elle, l’expérience d’Antoine A. et de son épouse n’est pas unique. Ce livre est articulé autour d’une vingtaine de témoignages convergents – de victimes ou d’ayants droit de victimes décédées qui, avec généralement une ou plusieurs expériences initiales d’expertises, ont répondu avec ardeur, diligence et unanimité à ma demande pourtant inhabituelle de bien vouloir consigner leur expérience sous forme d’attestation écrite au sens des articles 200 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile : ce, dans le contexte d’une affaire personnelle sur laquelle je reviendrai vers la fin de cet ouvrage.

A la fois numérique et qualitative, une seule donnée permet d’introduire ce qui va suivre dans son ampleur et sa signification : de toutes les personnes ainsi contactées via leur avocat, toutes ont répondu dans des délais record, à une seule exception près – un ancien président d’une importante association de victimes[1]

Mais à mesure que, initialement sollicités à des fins privés, les témoignages s’accumulaient, un constat bouleversant s’imposait : d’une façon ou d’une autre, la plupart de ces gens disaient tous plus ou moins la même chose. Au-delà de leur effort pour caractériser au plus juste mon propre travail d’expert, c’est rien de moins que l’autre ou les autres expertises dont le profil se dessinait en creux : l’expert assez excentrique pour rester grave – et compatissant – quand on lui raconte l’agonie d’une enfant renvoie, nécessairement, à ceux qui réagissent différemment ou à ceux dont le travail est assez désinvolte pour qu’on en perçoive le mépris suinter comme l’évidence…

Sur la base des témoignages en ma possession, c’est ce profil de l’expertise judiciaire française que visent à reconstituer les premiers chapitres du présent livre : l’état des lieux apparaîtra d’autant plus effrayant que les thèmes en seront, on vient de le dire, répétitifs – et bien trop répétitifs pour n’être pas crédibles.

Outre par leur incontestable homogénéité et par leurs récurrences sidérantes, la crédibilité des attestations sera confirmée dans une seconde partie, illustrée d’éléments tirés de ma propre expérience – dont mes témoins ne pouvaient évidemment être informés. Ces recoupements établiront que les victimes qui ont accepté de témoigner avaient reçu cinq sur cinq ma mise en garde de ne pas en faire trop (« en aucun cas je n’ai besoin d’un témoignage de complaisance ou d’un faux témoignage ») : il sera démontré que même ceux qui ont le plus ouvertement exprimé leur révolte ou leur émotion sont plutôt restés en deçà de la réalité, et qu’aucun n’est suspect d’avoir exagéré.

Dans une troisième partie, nous présenterons les éléments qui, même en l’absence de sondage tant soit peu systématique, nous conduisent à considérer que la situation dépasse largement une simple expérience individuelle – et qu’elle reflète précisément l’état présent de l’expertise judiciaire française, lequel est désastreux. Nous essaierons d’identifier les vices structurels susceptibles d’expliquer la dérive et les performances lamentables du système expertal français.

Nous conclurons sur quelques propositions.

 Avertissement

 

Compte tenu du souvenir vif et personnalisé qui m’est resté de toutes les personnes dont j’ai assuré l’expertise, il m’apparaissait difficile, au début, de sacrifier aux exigences de l’anonymisation en leur attribuant, ex nihilo, un autre nom ou un autre prénom qui ne correspondraient à rien : c’était, pour moi, comme nier leur existence ou leur historicité. Malgré les apparences, il m’aurait paru plus digne et plus humain de les repérer par une simple numérotation et de me référer à eux comme « cas n° 1 », « cas n° 2 », etc. au moyen d’une grille de numérotation dont j’aurais gardé les clés dans ma tête, ou dans mon cœur.

Craignant, cependant, qu’une telle numérotation ne choque inutilement mes lecteurs, je me suis résolu à une solution intermédiaire. Pour le meilleur et pour le pire, chaque prénom a été ré-inventé, mais j’ai ensuite attribué une pseudo-initiale de nom selon un ordre strictement linéaire « A, B, C… » afin de faciliter les repérages ultérieurs et le référencement croisé : le lecteur sait que lorsque je parle de Marcel C., il s’agit de la personne qui vient immédiatement après Paul B. dans la présentation de cette Partie I.

Je me suis également interrogé sur les exigences du respect, partant sur mon droit ou mon devoir de corriger, par rapport à un tel corpus où certains, d’origine parfois fort humble, ont fait des efforts d’expression écrite extrêmement inhabituels et alors même qu’ils étaient manifestement bouleversés. En même temps, ma demande explicite et pressante avait bien été « les mots du cœur, les mots de leur sincérité »… En foi de quoi, je me suis finalement résolu à ne corriger que les éventuelles fautes d’orthographe, ainsi que les articles omis par erreur, les lapsus calami évidents imputables à l’émotion, à l’inattention ou au manque de pratique rédactionnelle.

Dans la mesure du possible, j’ai également maintenu les diverses formes de soulignement (trait, capitales, changement de police pour ceux qui ont remis une attestation dactylographiée…) telles que voulues par les auteurs de ces attestations.

Enfin, quoique toutes les attestations se soient pliées aux exigences de la loi (art. 200 et suivants du Nouveau Code de Procédure Pénale), je me suis abstenu de reprendre, à chaque témoignage, les formulations rituelles (« certifie l’exactitude des faits ci-après, auxquels j’ai assisté, ou que j’ai personnellement constatés (…) Cette attestation est établie en vue de sa production en justice et je suis informé qu’une fausse déclaration de ma part m’expose à des sanctions pénales ») sauf lorsque, pour une raison ou pour une autre, mon témoin a éprouvé le besoin de les reformuler d’une façon plus personnelle.

Outre celle du respect, l’exigence d’anonymisation tient également au point de vue de ce livre, qui n’est en rien polémique, car la violence du propos y est simplement celle de la situation décrite. De plus, l’auteur a plus pressant, dans sa vie, que ferrailler avec les individus objectivement mis en cause par le texte qui suit, lesquels ne méritent pas tant d’honneur. L’objectif de mon ouvrage n’est pas d’établir une blacklist des experts indignes, mais de susciter une réflexion citoyenne sur les dysfonctionnements du système expertal français en vue de l’amender significativement : par conséquent, les défaillances individuelles, si estomaquantes soient elles, n’ont d’intérêt que parce qu’elles documentent les dysfonctionnements systémiques qui en organisent la pérennité et en garantissent l’impunité.

Il en résulte qu’en dépit de mon souci avoué pour la cohérence interne et le référencement systématique[2], l’évocation basculera dans le flou artistique dès lors qu’il s’agirait de citer les sources précises – évidemment en ma possession – qui permettraient d’identifier telle ou telle des personnes mises en cause : l’affaire X restée dans toutes les mémoires à cause de untel et untel deviendra « un scandale qui a défrayé la presse », l’arrêt de cassation numéro tant restera « un » arrêt parmi d’autres, etc. – même si certains connaisseurs n’auront parfois aucune peine à reconnaître la ou les personnes en cause. Dans la justice comme dans toute organisation humaine, il y a de toute façon trop de gens qui, des catastrophes où conduisent régulièrement leur incompétence, leur pusillanimité et leur perversité, tirent la démonstration des résistances que suscite immanquablement leur audace présumée : tout le monde leur en veut (sauf l’Agent comptable de l’Etat qui les paye en fin de mois) Il importe donc de leur épargner l’opprobre qui les renforcerait dans leur mégalomanie.

Que le lecteur reste ainsi sur sa faim dès lors qu’il inclinerait à réclamer « des noms ! » s’inscrit naturellement dans le projet d’une réaction élevée aux situations ignobles relatées dans les pages qui suivent : aux antipodes d’une pratique médiatique prédominante, le but n’est pas d’exciter une indignation anecdotique et éphémère en dénonçant des individus, mais d’exhorter les citoyens et leurs responsables à une réflexion politique radicale sur les moyens dont ils entendent doter notre Justice.

 

 

« A aucun moment, nous n’avons ressenti ironie
ou moquerie… »

 

Je soussigné A. Antoine, né le **/**/56, à ***, demeurant ***, profession : magasinier, certifie l’exactitude des faits ci-après, auxquels j’ai assisté, ou que j’ai personnellement constatés.

Lors de mon entretien avec le docteur Girard concernant les causes de la maladie de notre fille Jeanne[3], nous avons rencontré un homme qui a su nous écouter et comprendre toute l’émotion que nous pouvions ressentir lors de l’évocation de ces faits.

Il a su nous expliquer dans des termes compréhensibles l’expertise pour laquelle il était mandaté.

A aucun moment nous n’avons ressenti ironie ou moquerie de sa part lors de l’évocation des faits très douloureux.

Il nous a posé des questions pertinentes, en particulier celle concernant l’autopsie de notre fille qui n’a jamais été envisagée après son décès. Aujourd’hui nous saurions peut-être exactement de quoi et comment notre fille Jeanne est décédée le **-**-1997.

Cette attestation est établie en vue de sa production en justice et je suis informé qu’une fausse déclaration de ma part m’expose à des sanctions pénales.

Fait à B***, le 08 janvier 2006
Antoine A.

 

Environ une semaine après la troisième injection d’une vaccination contre l’hépatite B, Jeanne A., alors âgée de 11 ans, avait présenté les premiers symptômes cutanés (des « bleus ») de ce qui s’était rapidement révélé être une aplasie médullaire grave – c’est-à-dire la destruction des principales cellules sanguines (globules rouges, globules blancs, plaquettes).

La sévérité persistante du tableau avait justifié une greffe de moelle, à partir d’un donneur non apparenté, quatre mois après le début des troubles, dans un grand Service parisien. Un peu plus d’un mois après, alors que l’enfant avait été ramenée chez elle, les signes initialement négligés d’une maladie du greffon contre l’hôte étaient devenus patents : l’inefficacité du traitement mis en œuvre avait imposé le retour de l’enfant à Paris. En dépit des soins intensifs qui lui avaient été prodigués là bas, elle était morte en quelques semaines, soit environ 8 mois après l’injection vaccinale incriminée.

Les auteurs du précédent rapport d’expertise, dont faisait partie le Prof. Z qui sera à plusieurs reprises nommément pris à partie dans les attestations du présent corpus, avaient prétendu que le projet de déménagement de l’enfant en zone d’endémie (Afrique occidentale) représentait une « double justification médicale » de la vaccination : la justification de la vaccination en France allait manifestement de soi à leurs yeux et, quoique leur collège comportât un éminent infectiologue – aujourd’hui régulièrement consulté par les médias sur le risque de grippe aviaire – ils semblaient ignorer que les modalités de contamination en zone de forte endémie (transmission mère-enfant) n’ont rien à voir avec celles des zones de moindre endémie, de telle sorte qu’il restait à démontrer qu’elles concernaient en quelque façon la petite Jeanne. Le reste du rapport était à l’avenant, dissertation catégorique et prétentieuse confondant allègrement outil « épidémiologique » et méthode « statistique » alors qu’à l’évidence, aucun des auteurs ne maîtrisait même les concepts les plus élémentaires de ces spécialités, notamment celui, crucial en l’espèce, de « puissance statistique »[4].

Les experts précédents avaient également omis de remarquer que la lettre de transfert de l’enfant vers l’hôpital parisien où elle est décédée correspondait à une date d’un an postérieure au décès, mais exactement contemporaine du jour de saisie sur commission rogatoire du juge… Enfin, après avoir documenté au moins un certain nombre des nombreux manquements dans la prise en charge post-greffe de la petite (notamment un retour en province malgré les signes convergents d’un début de maladie du greffon), les experts s’autorisaient néanmoins à conclure : « il n’y a pas eu d’imprudence et de négligence ».

Il n’est donc pas besoin d’entrer dans le détail d’une critique démesurée pour apercevoir d’emblée les caractéristiques typiques d’une expertise judiciaire telle que réalisée sous la garantie d’un collège de trois experts, dont certains dotés d’une notoriété certaine.

  • Confronté à un drame humain d’une telle ampleur, le collège expertal n’a pas éprouvé le besoin de recevoir les parents, se contentant d’opérer une expertise sur pièces.
  • Par rapport à un problème qui relève fondamentalement du technico-réglementaire pharmaceutique et de la pharmaco-épidémiologie (application des méthodes de l’épidémiologie à l’évaluation des effets médicamenteux), aucun des trois experts consultés n’avait la moindre maîtrise des concepts fondamentaux relatifs à l’espèce.
  • Alors que la cruauté de ne pas recevoir les parents – ne serait-ce que pour vérifier que toutes les informations pertinentes ont bien été prises en considération – pourrait, à l’extrême rigueur, se justifier dans une conception technicienne hyper-scrupuleuse de l’expertise (des faits, rien que des faits), les experts se sont montrés incapables de relever les contradictions factuelles les plus manifestes et les plus objectives (erreurs de dates) du dossier médical.
  • Impuissants, cependant, à dissimuler les failles les plus criantes de la prise en charge au moins clinique, les experts n’en ont pas pour autant été gênés de conclure sur un jugement strictement irréductible à leurs observations antérieures : « il n’y a pas eu d’imprudence et de négligence ».

Manque d’humanité et mépris du contradictoire, compétence problématique, inconscience quant aux exigences « policières » de la vérification dans le cadre d’une expertise judiciaire centrée sur l’inventaire des faits, connivence corporatiste : il n’en faut pas plus, même chez un non professionnel, pour se sentir bafoué, humilié, écrasé – et pour porter aux nues celui qui, par contraste, a su « écouter et comprendre », expliquer la situation « dans des termes compréhensibles », poser « des questions pertinentes[5] » et, par dessus tout, s’abstenir de toute « ironie » ou « moquerie »…

 

« Amicalement »

 

Nous avons été convoqués peu de temps après le décès de notre fils Sylvain par Mr GIRARD qui nous a reçu avec délicatesse. Il nous a expliqué son travail d’expert ce qui nous convenait très bien. Très bouleversé de notre histoire, il n’a pas hésité à nous aider dans ce combat. Avec professionnalisme, Mr Girard a rendu une expertise parfaite.

Nous avons besoin de personnes comme Mr Girard et de ses compétences pour continuer (cela depuis 8 ans) notre combat et la reconnaissance de que nous avons perdu.

Amicalement.

Cette attestation est établie en vue de sa production en justice et je suis informé qu’une fausse déclaration de ma part m’expose à des sanctions pénales.

Fait à P***, le 10 janvier 2006
Mr et Mme B. Paul

 

Lui vend des automobiles et elle, apparemment, reste à la maison. Mari et femme ont tenu à signer tous deux, après avoir indiqué selon la formule rituelle qu’ils n’avaient avec moi « aucun lien de parenté, d’alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêts ». A les lire, on pourrait croire pourtant que, selon un leitmotiv désormais classique des fabricants de vaccin, le Dr Girard a basculé dans le camp des victimes : il a « aidé » M. et Mme B. dans leur combat, et le mot « amicalement » se faufile comme un cri de reconnaissance dans l’espace étroit qui sépare la dernière ligne de leur témoignage de l’autre formule rituelle, dactylographiée, leur rappelant les peines auxquels les exposerait une fausse déclaration…

C’est que, comme nous l’avons d’emblée aperçu avec le témoignage précédent d’Antoine A., il n’y a pas besoin, dans le monde expertal français, d’être partial pour être perçu comme un « ami » par ceux qui ont tellement souffert : il suffit d’être humain…

Et si l’on s’avise de documenter sur pièces les éléments censés objectiver la collusion de l’expert avec M. et Mme B., que trouve-t-on ? Il les a reçu « avec délicatesse ». Il leur a « expliqué son travail d’expert ». Il est apparu « très bouleversé » par l’histoire d’un enfant ayant développé à l’âge de 13 ans un tableau étrangement superposable à celui de la petite Jeanne A. et qui l’a emporté après deux ans de soins, de souffrances et de désespoir.

Ce nonobstant, cet expert-ami a fait preuve de « professionnalisme » et a rendu « une expertise parfaite ». Et lorsque, inaugurant une forme littéraire que nous allons fréquemment retrouver dans la suite, les parents du jeune Sylvain s’appliquent à synthétiser leur expérience en une sorte de moralité exemplaire, s’impose à eux l’idée qu’ils ont « besoin de personnes comme Mr Girard » – avant même qu’ils ne parviennent à formuler le motif de ce besoin, qui s’inscrit alors en ultime ajout dans la marge : « et de ses compétences ».

Le collège expertal auquel j’ai succédé est encore celui qui avait estimé que la vaccination de la petite Jeanne A. relevait d’une « double justification médicale » et qu’en tout état de cause, « il n’y [avait] pas eu d’imprudence et de négligence »…

 

« Vous pouvez compter sur nous… »

 

Je remercie le DR Marc Girard de son sérieux lors de notre R. V du **/**/2002 dans son cabinet à Versailles, en présence de Me L., au sujet du rapport qu’il avait à faire, ordonné par la Juge Mme ***.

J’ai ressenti lors de notre entretien que le cas de ma fille Cécile C. malheureusement pour nous que c’était un cas des plus importants, sans vouloir recevoir de médailles du fait que ce cas là est ressorti d’une propagande ministérielle certainement mal informée des risques indésirables du vaccin et de l’hépatite B. Je suppose que des tests ont été fait sur des volontaires et que le pourcentage de risques était déjà connu et que le monopole de l’argent avait déjà pris le dessus.

Je suis prêt à faire je ne sais quoi dans le bon sens dans le domaine de la Santé Publique.

Fait à V***, le 12 janvier 06
Marcel C.

Agriculteur à la retraite, M. Marcel C. ne cache pas les séquelles psychiques, et même psychiatriques, liées au deuil de sa fille, décédée à l’âge de 28 ans d’une sclérose en plaques dont les symptômes s’étaient révélés quatre ans auparavant, dès les jours suivant une première injection vaccinale, et s’étaient spectaculairement aggravés après la seconde injection : cette pathologie neurologique avait frappé tous les intervenants médicaux par sa brutalité, son intensité et l’atteinte gravissime des fonctions supérieures, aboutissant rapidement à un état de démence.

Parmi les victimes citées dans le présent ouvrage et pour autant que je le sache, M. C. est l’un des rares à n’avoir pas connu le précédent d’une première expertise. Mais il s’est heurté aux dénégations ravageantes du personnel soignant comme des éminents spécialistes parisiens qui ont examiné sa fille – dénégations d’autant moins convaincantes que le dossier est l’un des rares que j’ai compulsés où, à mots à peine couverts, la causalité vaccinale était reconnue comme patente par la plupart des intervenants.

Comme M. et Mme B., Marcel C. perçoit qu’il y a quelque chose de général et d’exemplaire dans son histoire : c’est la même logique qui conduit les premiers à estimer que « nous avons besoin du Dr Girard » tandis que le second se déclare, si besoin est, au service de « la Santé Publique ».

Quelques semaines seulement après notre rendez-vous d’expertise, alors que je venais de remettre au Juge un volumineux pré-rapport d’expertise pénale qui allait faire l’objet d’une certaine médiatisation dans les semaines suivantes, M. C. m’avait spontanément adressé le courrier suivant.

Monsieur le Docteur Marc Girard,

Le Groupe de Familles que vous avez reçu le mardi **/**/2002 en votre cabinet, 1 Bd de la République à Versailles, vous remercie d’avoir déjà terminé vos comptes rendus et de les avoir remis à Madame la Juge ***.

De là une photocopie à Me L.

Me L. nous a rassemblés et fait part des points les plus importants de vos comptes rendus en présence de Me S.

On vous félicite pour le sérieux de votre recherche dans les dossiers malgré les pressions qui vous sont faites par les parties adverses, je dirais « le Monopole de l’argent ».

Vous pouvez compter sur nous pour vous épauler si cela était nécessaire.

Recevez, Docteur, nos salutations distinguées.

Même dans un état d’immense souffrance psychique, parfois à la limite de la décompensation, Marcel C. – à l’instar du « Groupe de Familles » au nom duquel il s’exprimait – avait immédiatement saisi ce qui échappe encore à la quasi totalité des Parlementaires français, pour ne point parler des Défenseurs attitrés des droits de l’homme : qu’il n’est pas normal qu’un expert judiciaire fasse l’objet de « pressions » au seul motif des mandats publics qu’il a reçus et sans qu’il reçoive la moindre protection des instances qui les lui ont confiés.

 

« C’est pathétique »

 

Pour avoir eu l’occasion de comparer le travail du Dr Girard avec celui d’autres “experts”, il me parait INDISCUTABLE que les compétences de cet homme en matière de pathologies, pharmacologie, épidémiologie sont largement au-dessus de ceux même qui acceptent d’expertiser pour la DGS des patients dont les maladies leurs sont étrangères et qui sont obligés, devant vous, de se documenter sur votre pathologie, pour tenter d’en sortir une expertise : c’est pathétique. Le rendu d’expertise du Dr Girard colle à 100% avec mon histoire. Il a une grande qualité d’écoute, de discernement, tant sur la globalité de mon histoire que sur mon ressenti et ses conséquences. On ne peut pas copier/coller cela.

Fait à M***, le 21 janvier 2006
Antoinette D.

Dans la série des attestations ici produites, celle-ci est la première en provenance d’une professionnelle de santé. Agée de 49 ans, Antoinette D. est infirmière dans un centre hospitalier universitaire de province – et ne s’en laisse manifestement pas compter : elle a donc une certaine crédibilité lorsqu’elle qualifie de « pathétique » l’effort de certains collègues pour « tenter de sortir une expertise ».

Des deux précédentes qu’elle avait porté à ma connaissance sur son cas, l’une avait été réalisée dans le cadre de l’article L. 3111-9 du code de la santé publique, par l’un de ces experts jouissant le plus probablement du privilège de ne jamais voir leurs honoraires contestés par la DGS ; l’autre, réclamée à titre privée, avait été réalisée… par un autre ancien président de cette association de victimes mentionnée en note 1. De la première expertise, j’avais documenté, en exemple suffisant à lui seul, qu’elle ne citait pas une seule référence d’une bibliographie internationale comportant pourtant plusieurs centaines de titres ; de la seconde, je m’étais étonné que le président d’une association de victimes reprenne à son compte, sans un mot de critique, les allégations non argumentées de l’administration quant à « l’incertitude » sur la causalité iatrogène ou au fait que la profession de la requérante « justifiait bien évidemment » sa vaccination. Ben voyons[6]

Alors que dans mon expérience des rapports portant sur les complications neurologiques post-vaccinales, les experts se donnent habituellement beaucoup de mal soit pour nier carrément le diagnostic (nous en verrons un exemple avec « l’hystérie » de Melle L.), soit pour en ignorer toutes les manifestations précoces afin de repousser suffisamment le diagnostic positif dans le temps pour mettre en doute tout lien avec une vaccination ainsi présentée comme trop antérieure (oubliant de la sorte qu’en matière de sclérose en plaques, la date du diagnostic peut être considérablement postérieure à l’apparition des premiers troubles cliniques, lesquels peuvent eux-mêmes être très décalés par rapport à l’apparition des premières lésions anatomiques[7]), Antoinette D. correspondait au cas de figure caricaturalement inverse : sous le prétexte que sa propre mère avait souffert d’une sclérose en plaques grave et qu’elle-même avait présenté assez précocement quelques troubles neurologiques a minima, le moindre « pet de travers » de ses antécédents se trouvait souligné, amplifié, répété afin de démontrer qu’à l’évidence, l’apparition d’une sclérose en plaques ne pouvait qu’être antérieure à la vaccination.

« Pathétique » en effet, cet admirable raisonnement court-circuitait au moins trois questions fondamentales pour l’espèce : 1) lesdits troubles antérieurs étaient-ils effectivement en rapport avec la pathologie dont le diagnostic ne faisait plus de doute aujourd’hui ; 2) si oui, n’avaient-ils pas été significativement aggravés par les vaccinations incriminées ; 3) auquel cas, comment justifier que la médecine du travail ait re-vacciné l’intéressée au mépris d’une mise en garde insérée au Vidal antérieurement à cette revaccination ?

Il me reste un souvenir ému lié à ce travail d’expertise qui avait donc exigé une reprise soigneuse, quasi obsessionnelle, d’une chronologie extrêmement intriquée et complexe. Alors qu’au terme d’années harassantes de travail liées à mes missions pénales dans les affaires de santé publique les plus aiguës du moment, je m’étais programmé une escapade rare au Musée du Louvre, je venais d’apprendre que le Pôle santé de Paris me refusait le paiement d’une importante expertise, correspondant à plusieurs centaines d’heures de travail – ce refus s’ajoutant à d’autres du même type, pour ne point parler des autres « pressions » dont nous avons commencé d’entendre parler (cf. attestation de M. C.) Tandis que, pourtant doté d’une résistance éprouvée à ce type d’ennuis, je peinais à apercevoir les tableaux dans la pénombre qui s’était soudain abattue sur mon âme, mon portable se mit à vibrer : c’était Mme D. qui m’appelait spontanément, pour me faire part de l’émotion qui l’avait prise à la lecture de mon rapport – et qui se trouve exactement transcrite ici :

Le rendu d’expertise colle à 100% avec mon histoire.

Alors que nous n’en sommes encore qu’à la quatrième attestation de la « série », il commence à devenir superfétatoire de s’étonner qu’une justiciable, professionnelle de santé expérimentée, éprouve comme impérieux le besoin d’appeler personnellement un expert judiciaire pour le remercier d’une performance manifestement exceptionnelle : un rapport qui « colle à 100% » avec son histoire – imputable en dernière analyse à une « grande qualité d’écoute » jointe à une compétence « INDISCUTABLE »…

« L’entretien a duré plus d’une heure contrairement à la précédente expertise… »

 

J’ai rencontré le Dr Girard lors d’une expertise demandée par la DGS. Il s’agit d’une personne ouverte et intéressée aux circonstances de survenue de ma maladie. Le Dr Girard m’a posé de nombreuses questions sur cet historique, mon ressenti et sur mes éventuelles connaissances permettant de prouver l’origine de celle-ci. L’entretien a duré plus d’une heure contrairement à la précédente expertise que j’avais eu avec le Pr Z, lequel semblait déjà avoir une opinion sur le sujet.

Le rapport du Dr Girard fait 35 pages contre les 8 pages du Pr Z. Il y a une partie d’explications générales sur les études et connaissances concernant le vaccin et ses effets secondaires, nécessaires selon moi, à la compréhension des conclusions de l’expert, lesquelles sont tout à fait adaptées à mon cas.

Fait à A***-F***, le 17 janvier 2006
Colette E.

Agée aujourd’hui de 48 ans et cadre de laboratoire en hématologie, Colette E. est également une professionnelle de santé. Alors qu’habitant à des centaines de kilomètres de distance de la précédente, elle ne peut l’avoir rencontrée ni consultée pour cette attestation, Mme E. dit étrangement la même chose que Mme D. – jusque dans le choix des mots : dans les deux cas, il est notamment fait crédit au contre-expert d’avoir accordé toute l’attention requise au « ressenti » des victimes… Doté également de cette ouverture d’esprit qui correspond peu ou prou à la « grande qualité d’écoute » et au « discernement » loués par Antoinette D., l’expert se distingue sur ce point du déjà trop fameux Prof. Z lequel « semblait avoir déjà une opinion sur le sujet » avant même d’avoir débuté les opérations d’expertise.

Comme M. et Mme B., également, Colette E. s’applique à esquisser une moralité plus globale : « explications générales sur les études » sont « nécessaires selon moi à la compréhension des conclusions de l’expert »[8]. Mais dans son audace abstraite, cette moralité apparaît bien comme l’extraction d’une expérience personnelle objectivement quantifiable : « l’entretien a duré plus d’une heure contrairement à la précédente expertise »[9], et le rapport final fait « 35 pages contre les 8 pages du Prof. Z ».

Cinquième de notre série, Mme E. est aussi la première à s’en prendre nommément au Prof. Z, que nous avons cependant rencontré à deux reprises déjà – soit sur un total correspondant à rien de moins que 60% des expériences humaines analysées à cet endroit du livre…

 

« J’en suis ressorti abasourdi, incompris, vexé »

 

J’ai passé une 1ère expertise avec les professeurs S. et Z., j’ai été assailli de questions, un vrai interrogatoire, une pression telle qu’on a préféré me faire remarquer que je faisais une faute de français en m’exprimant plutôt que d’aller au vif du sujet. J’en suis ressorti abasourdi, incompris et vexé.

J’ai passé ma 2ème expertise avec le Docteur Girard, ce dernier m’a posé des questions précises, il était très attentionné, courtois, il a tenu compte de mon handicap et m’a laissé m’exprimer à mon rythme sans me mettre la pression ni me couper la parole, il était à mon écoute. L’expertise a duré à peu près 2h 30 mn, je suis ressorti détendu, compris et admiratif devant tant de sérieux et de professionnalisme ; enfin quelqu’un qui faisait un vrai travail.

Fait à P***, le 8 janvier 2006
Jean-Pierre F.

Ayant passé sa vie professionnelle à vendre des textiles, Jean-Pierre F. s’était, dès réception de ma demande, tourné vers son avocat pour lui faire part de son angoisse quant à son incapacité de rédiger. Pourtant, en dépit du malheureux défaut d’élocution (dysarthrie) qui, comme il le souligne, ralentit péniblement son expression, il n’a manifestement pas la langue dans sa poche…

Comme Mme E., Jean-Pierre F. s’applique à justifier sa colère dans des évaluations objectives : la seconde expertise « a duré à peu près 2h 30 min ». Peu coutumier, comme il l’a confessé, de l’expression écrite, il entre sans précaution oratoire dans le vif du sujet selon une rhétorique d’oppositions simple, mais terriblement efficace. La première expertise – « un vrai interrogatoire, une pression (…) » – comme repoussoir de la seconde : « il a tenu compte de mon handicap et m’a laissé m’exprimer à mon rythme » – « sans me mettre la pression » justement…

La première expertise à laquelle M. F fait allusion s’inscrivait dans le cadre d’une action civile. Précisément le type de situation qui porte à son sommet l’inégalité des armes entre, d’une part, un laboratoire pharmaceutique qui peut honorer sans compter le nombre d’avocats et d’experts privés qu’il veut, multiplier les incidents de procédure, allonger par des dires multipliés les opérations d’expertise dont le coût est normalement à la charge du demandeur et, d’autre part, une victime, généralement en situation de grande détresse physique, psychique et financière (M. F précise dans son attestation qu’il se trouve « en invalidité 2e catégorie ») et où, par conséquent, il revient aux experts missionnés par le Tribunal de veiller avec un soin obsessionnel à ne pas aggraver, par leurs manquements, leurs maladresses ou partis pris ce déséquilibre immensément tragique. Or, directement mis en cause une fois encore (comme dans 67% des attestations examinées jusqu’à présent), le Prof. Z ne s’est-il pas trouvé accusé par Mme E d’avoir « déjà une opinion sur le sujet » – avant les opérations d’expertise et alors même que comme je l’ai souligné à l’occasion des deux premières attestations, il saute aux yeux du professionnel qu’il n’a aucune des compétences requises en pareille espèce ? Après tout, dans les dizaines d’expertises dont j’ai été informé d’une façon ou d’une autre sur la vaccination contre l’hépatite B, je n’ai encore jamais entendu que l’un des deux fabricants était ressorti « abasourdi, incompris, vexé »…

Il y a quelque chose de presque féminin dans le souvenir que M. F a gardé des faits : « [l’expert] était très attentionné, courtois ». Pourtant, ce grand quinquagénaire d’origine pied-noir qui s’impose chaque jours plusieurs séances de musculation pour limiter la progression de sa sclérose en plaques, qui parle avec une crudité clinique des troubles sexuels que lui cause sa maladie – alors que sa femme « est aussi belle que Brigitte Bardot » – en a manifestement vu d’autres et ne semble pas le genre d’homme à se laisser impressionner. La bouleversante sincérité avec laquelle il ose formuler l’humiliation que lui a causée sa première expertise (« abasourdi, incompris et vexé ») est crédibilisée par l’antagonisme exact du sentiment que lui a inspiré la seconde : « j’en suis ressorti détendu, compris et admiratif ».

Au fait, pourquoi tant d’admiration à l’endroit du contre-expert ? Pour rien, à dire vrai, ou presque rien :

(…) enfin quelqu’un qui faisait un vrai travail…

Que faisaient donc les autres ?

 

« Un docteur (…) qui ne me prenait pas pour une folle ou une dépressive, contrairement à bien d’autres »

 

Le **/**/2001, j’ai rencontré le DR Girard au 1 Bd de la République, à Versailles pour une expertise avec l’accord de la DGS du **/**/2001. Mon dossier médical avait été fourni au docteur par l’intermédiaire de mon avocate avant l’expertise que j’ai complété par des pièces complémentaires le jour de l’examen.

Contrairement à la première expertise, j’ai été très bien reçue, et j’ai pu véritablement expliquer simplement ce que je ressentais face à cette maladie (fatigue, douleurs, perte de mémoire). Le docteur Girard qui m’a auscultée, de la tête aux pieds, tout en me posant des questions compréhensibles auxquelles je pouvais répondre simplement a été très à l’écoute de ce que je pouvais dire. Il a également été très patient car il a fallu des coupures pour que je puisse me reposer du fait d’une fatigue importante due à la maladie.

Un docteur qui tient compte de ce qu’on lui dit et de ce que l’on ressent en termes de douleurs, qui ne me prenait pas pour une folle ou une dépressive, contrairement à bien d’autres.

Fait à Y***, le 16 janvier 2006
Yvonne G.

Agée de 50 ans, Yvonne G. est aujourd’hui sans profession. Une vaccination contre l’hépatite B lui avait été imposée par la médecine du travail pour une embauche à la cantine d’un institut médico-éducatif – avant-poste, s’il en fût, du risque de contamination virale pour une maladie réputée se transmettre par voie sexuelle et parentérale (c.-à-d. extra-digestive)… A la suite de quoi, elle a présenté un de ces tableaux improprement appelés « myofasciite à macrophages » associant une immense fatigue chronique, des douleurs musculaires et des troubles cognitifs (mémoire, concentration).

Son attestation est construite comme la précédente, sur une rhétorique de contrastes aussi explicites que saisissants. A la lumière de quoi, le tableau de l’expert idéal s’enrichit de l’idée qu’il pourrait être simplement poli (« contrairement à la première expertise, j’ai été bien reçue ») : M. F avait déjà apprécié qu’il soit « courtois »… Comme ce dernier, également, Yvonne G. lui sait gré d’avoir tenu compte de son handicap (« il a également été très patient[10] ») au lieu de la houspiller.

Comme Mme D. ou Mme E., Yvonne G. loue l’expert de bien vouloir prendre en compte « ce que l’on ressent » – dans une dynamique globale où ayant pu « véritablement expliquer simplement ce [qu’elle] ressentait », elle a aussi été autorisée à répondre non moins « simplement » aux questions « compréhensibles » qui lui étaient posées : situation clairement antagoniste de celle où M. F avait été « assailli de questions, un vrai interrogatoire, une pression ».

Comme plusieurs des précédentes, l’attestation s’achève sous forme d’une moralité : « Un docteur qui tient compte de ce qu’on lui dit et de ce que l’on ressent ». Des qualités aussi exemplaires suffisent à expliquer que l’expert ne l’ait pas prise « pour une folle ou une dépressive, contrairement à bien d’autres ».

Quels autres ? Ceux qui, comme le Prof. Z, semblent « déjà avoir une opinion sur le sujet » avant même le début de l’expertise (Mme E.) ? Ou bien ceux qui n’épargnent « ironie ou moquerie » même pas aux parents d’une petite fille morte (M. A.) ? Pourtant femme simple et plus que réservée, Mme G. m’avait spontanément écrit plus de deux ans auparavant pour me faire part de sa stupéfaction choquée à l’éclat de rire aussi incoercible qu’inexpliqué dans lequel était parti l’un de ses médecins, éminent hospitalo-universitaire parisien, quand elle lui avait confié m’avoir demandé une expertise :

L’attitude de ce professeur était de nature ironique et désagréable, je considère qu’il s’agit de calomnies. Je tenais donc à vous en informer.

Si les professeurs n’ont aucune vergogne à exprimer d’aussi bruyante façon leur « ironie » à l’endroit d’un collègue, pourquoi se gêneraient-ils avec les victimes ?…

 

« Deux rapports différents ont été effectués »

 

Je soussignée Mme Marie H. déclare qu’à la demande de la Cour d’appel de ***, j’ai été examinée le **/**/2001 à l’hôpital de *** par quatre médecins experts qui ont pris connaissance de tous les éléments sur ma maladie (syndrome de Guillain-Barré).

Deux rapports différents ont été effectués :

un rapport des trois experts (Prof. R., A., M.) qui montre une approche très superficielle et écarte les problèmes ;

un rapport du Dr Girard (plus de 100 pages) plus précis dans le détail, va au fond des problèmes, ne néglige ni les problèmes particuliers, ni les problèmes relatifs au produit.

J’ai trouvé que la qualité de son travail était dans le respect absolu de la déontologie.

Fait à V***, le 17 janvier 2006
Marie H.

Agée aujourd’hui de 45 ans, Marie H. a développé plus de dix ans auparavant un syndrome de Guillain-Barré sévère qui l’a d’abord emmenée aux portes de la mort, dans les suites immédiates d’une vaccination contre l’hépatite B : outre les inconvénients d’importantes séquelles résiduelles au niveau des membres inférieurs et supérieurs chez une femme aussi jeune obligée de marcher avec des cannes, le handicap n’est pas bien difficile à imaginer non plus chez une vendeuse de prêt-à-porter désormais incapable tant d’effectuer des gestes fins que de monter sur un escabeau ou, plus simplement, de conduire une automobile. Quoique le temps m’ait malheureusement manqué jusqu’à aujourd’hui, la causalité vaccinale est tellement évidente que je n’ai aucun doute quant à la possibilité de publier son observation dans une revue médicale internationale – gloire dont elle se passerait certainement mais qui, dans le système de preuves dont nous usons entre spécialistes du médicament, a valeur de consécration.

Quoique la jurisprudence du collège expertal soit assez rigoureuse quant à l’obligation des techniciens ainsi désignés de remettre un rapport commun, quitte à y exposer clairement leurs divergences, mes trois collègues étaient tellement paniqués à l’idée de cette cohabitation littéraire forcée qu’ils avaient décidé de tout bloquer – selon une stratégie frustre et juridiquement douteuse, mais assez éprouvée lors d’une expertise antérieure pour leur permettre d’escompter l’absence de toute sanction sérieuse. Lassé des relances pour rien, j’avais fini par me tourner vers la Cour d’appel, qui en réponse avait autorisé à titre exceptionnel la remise de deux rapports séparés, comme indiqué dans l’attestation de Mme H.

Selon un mode d’évaluation déjà aperçu dans des attestations antérieures qui soulignent, par exemple, que les réunions d’expertises durent bien plus longtemps avec moi qu’avec d’autres, Marie H. a noté que mon rapport était plus épais que celui des trois autres : « plus de cent pages ». Mais il était aussi bien différent en contenu : alors que mes collègues niaient toute causalité – mais sans éprouver le besoin de dire pourquoi – je documentais les motifs clairs, précis, concordants conduisant à considérer la vaccination comme le responsable évident du syndrome qui avait fait basculer dans le drame la vie de cette jeune femme. Qui plus est, ce rapport de « plus de 100 pages » (en fait : près de 200 avec les annexes) était le seul à aborder « les problèmes relatifs au produit » – démarche élémentaire dans une procédure judiciaire centrée sur la responsabilité des produits. Lorsque après avoir été débouté des deux demandes de récusation qu’il m’avait opposées dans l’espoir de ne pas avoir à transmettre les documents technico-réglementaires confidentiels que j’avais réclamés pour la première fois en pareille espèce, le fabricant avait prétendu contester le paiement des centaines d’heures réclamées pour l’examen – fort instructif – desdites pièces au motif que « l’on ne voyait pas pourquoi le Dr Girard avait éprouvé de refaire dans son coin le travail des autorités sanitaires », j’avais répondu que je m’étais attaché au contraire au travail que lesdites autorités avaient négligé : en droit, cela s’appelle « le défaut » d’un produit…

Pour des raisons dont je peine encore à saisir les motivations, la Cour d’appel devait finalement décider d’écarter mon rapport[11] ; mais elle condamnait le fabricant en référence à mon évaluation de causalité qu’elle s’appliquait alors déduire de l’autre rapport[12] – alors même que ses auteurs n’avaient pas hésité à faire exploser le collège expertal au seul motif de leur horreur à voir ne serait-ce que discutée contradictoirement l’éventualité d’une telle causalité… Quoique dans sa flagrance caricaturale, cette dénaturation du seul rapport d’expertise désormais conservé par la Cour eût pu suffire à faire casser l’arrêt, la causalité vaccinale était tellement patente que la Cour de cassation devait renoncer à la contester, se contentant de casser sur l’absence de démonstration de la défectuosité – précisément la question à laquelle avait été consacrée la majeure partie de ce rapport de « plus de 100 pages » bizarrement négligé par la Cour d’appel au profit d’un rapport qui n’avait même pas cru bon d’évoquer la question, même de loin.

Si la Cour de renvoi consent enfin à examiner les « plus de 100 pages » de mon rapport, elle y trouvera tous les éléments nécessaires aujourd’hui pour apprécier la défectuosité du produit injecté. Si elle n’omet pas d’y prendre, également, les éléments permettant d’établir la causalité « adéquate », afin d’éviter à la Cour suprême de re-casser au motif qu’une fois la défectuosité prouvée, il resterait cette fois à démontrer le lien de cause à effet qui n’a pas été contesté la première fois, Marie H. pourra peut-être enfin toucher l’indemnisation de sa vie gâchée pour rien : cela tombera d’autant mieux pour elle qu’après une vie de travail et de femme martyrisée par une infirmité inique, elle sera justement en âge de doter ses enfants – ou ses petits-enfants…

 

« La seule différence notable que je puisse souligner (…) est (…) celle du courage »

 

Madame, Monsieur,

Suite à la réalisation de vaccinations obligatoires les 26 avril 1991 et 19 juin 1996, les signes cliniques et examens complémentaires m’ont confirmé être porteuse d’une sclérose en plaques.

Après de nombreuses expertises, j’ai consulté de nouveau un spécialiste, expert en pharmaco-épidémiologie, afin d’étayer ma procédure afférente à la reconnaissance d’accidents de la vaccination contre l’hépatite B.

J’ai donc consulté le **/**/2004 à titre privé le Docteur GIRARD à son cabinet, sis 1 boulevard de la République à Versailles.

Celui-ci m’a reçu durant plusieurs heures, écoutant avec intérêt mes antécédents médicaux, mon histoire et étudiant scrupuleusement mon dossier médical afin de retrouver l’étiologie de la maladie. Nous avons également tenté de préciser les conséquences actuelles et futures de mon atteinte.

Le Docteur GIRARD n’a jamais, durant cet entretien, mis en cause aucun de ses confrères. Tout au plus ai-je souligné leur manque de « neutralité », ceux-ci ayant mené de nombreuses enquêtes conjointement avec les fabricants du vaccin mis en cause.

Il me semble donc licite de soutenir le Docteur GIRARD puisque son unique combat est celui de la défense des victimes malgré de nombreuses tentatives de déstabilisation à son encontre de la part des laboratoires mais également du ministère. Je tiens également à préciser que cette information ne m’a jamais été délivrée par lui-même mais par mon avocate Maître L., a posteriori.

Il est le seul a avoir pris le temps de me recevoir, à développer une telle qualité d’écoute et à avoir su rester neutre afin d’être le plus exact possible. Son professionnalisme et ses convictions scientifiques ont été son seul moteur. La qualité de son travail est sans faille et les règles de déontologie n’ont a aucun moment été bafouées.

La seule différence notable que je puisse souligner, après avoir été reçue par de nombreux spécialistes, est une qualité inestimable, celle du courage, que chaque patient atteint de cette maladie souhaiterait rencontrer lors de diverses consultations : courage de rechercher la vérité aussi déstabilisante puisse-t-elle être, courage de ne pas se voiler la face afin d’étouffer l’affaire, courage de ne pas se perdre dans des dialogues stériles, courage d’étudier un cas clinique sans a priori aucun.

Vous remerciant de bien vouloir prendre note de ce témoignage,

Recevez, Madame, Monsieur, mes respectueuses salutations.

Le 12/01/2006
Sophie I.

S’il est une attestation que je n’espérais pas beaucoup recevoir, c’est bien celle de cette infirmière, âgée de 43 ans et qui m’était apparue timide et réservée jusqu’à l’excès : alors que, comme elle l’indique, elle avait dû régler de ses propres fonds l’expertise qu’elle m’a réclamée, force est de constater qu’à l’heure actuelle, mon travail ne lui a toujours pas permis de sortir de l’absurde situation judiciaire où l’ont acculée des expertises antérieures dont je suis allé jusqu’à écrire qu’elles « se signalaient par l’illogisme du raisonnement tenu »…

Voici plus de dix ans, alors qu’elle n’avait pas encore atteint la trentaine, cette jeune femme a développé, dans les semaines suivant un rappel du vaccin contre l’hépatite B, les premiers symptômes d’une sclérose en plaques malheureusement vite confirmée ensuite. Or, tout en reconnaissant – d’ailleurs sans la moindre motivation physiopathologique ou épidémiologique – que la vaccination ait pu déclencher la sclérose en plaques, les précédents experts avaient formellement exclu tout rôle du vaccin… dans la survenue des poussés ultérieures ! C’était comme condamner quelqu’un pour homicide volontaire, en déboutant les ayants droit de toute demande de dédommagement au motif que les inconvénients résultant de la situation sont imputables au décès, et non au meurtrier : on va loin avec ce type de raisonnement…

Comme M. et Mme B., Madame I. fait basculer l’expert dans le camp des victimes et, elle aussi, évoque un authentique « combat » : mais alors que les parents du petit Sylvain louaient l’expert de les avoir aidés dans leur combat, Sophie incline plutôt à s’impliquer elle-même dans son « combat », après avoir été dûment informée par son avocate de la situation réservée à l’expert par l’administration sanitaire. Ainsi partie d’une impulsion exactement inverse, elle retombe cependant au même point que M. et Mme B, puisque de toute façon, ledit combat est « unique » : « celui de la défense des victimes »…

Si elle rejoint ainsi la plupart des autres témoins déjà rencontrés en apercevant la portée exemplaire de son expérience expertale, Sophie I. apparaît comme la première à argumenter de façon aussi consciente et soutenue le lien entre son vécu personnel et la signification globale de l’histoire. C’est bien elle en particulier qui a été reçue « durant plusieurs heures », elle aussi qui a été écoutée « avec intérêt », elle qui observé l’expert étudiant son dossier « scrupuleusement » ; elle enfin qui a réfléchi avec lui aux « conséquences actuelles et futures de [son] atteinte ». Et cette expérience, dont on pourrait penser qu’elle est archi-banale dans un tel cadre, l’a tellement marquée « après de nombreuses expertises » qu’elle éprouve le besoin de la récapituler comme pour garantir que tout le monde a bien saisi ce qu’elle veut dire :

Il est le seul a avoir pris le temps de me recevoir, à développer une telle qualité d’écoute et à avoir su rester neutre afin d’être le plus exact possible.

Quelle différence, alors, entre une performance a priori aussi banale et l’expérience « de nombreuses expertises » ?

La seule différence notable que je puisse souligner, après avoir été reçue par de nombreux spécialistes, est une qualité inestimable, celle du courage.

Il faut vraiment qu’un expert qui « prend le temps » de recevoir les victimes soit un grand homme[13] pour que ceux qui ont pu apprécier sa « neutralité » en tirent comme une conséquence logique imparable la licéité de s’impliquer dans son malheur :

Il me semble donc licite de soutenir le Dr Girard…

 

« Pour moi, un expert doit être impartial »

 

Le Dr Girard est intervenu dans le cadre d’une expertise. J’ai passé plus de dix expertises. C’est l’un des seuls experts qui m’a reçue en comprenant les maux, les douleurs, les souffrances rencontrées. Il a pris le temps de consulter et de lire mon dossier avec attention. Le seul qui m’a demandée de lui fournir une copie. Il m’a auscultée en recherchant les symptômes. La visite a duré presque deux heures.

Il ne m’a pas menti car les autres experts m’ont formulée leurs convictions par rapport à la vaccination en m’expliquant leur fond personnel. Mais ils ont écrit l’inverse sur leur rapport afin de ne pas se faire « tirer les oreilles », etc. Lors d’une contre-expertise, le deuxième expert m’a dit la même chose et a rajouté « qu’il ne pouvait contredire ses confrères » résultat rester de l’avis de l’Etat. Le Dr Girard est resté intègre à son travail et à ses convictions. Pour moi, un expert doit être impartial, être honnête avec lui-même, ni contre l’Etat, ni pour le patient.

Le Dr Girard a ses qualités.

Fait à H***, le 16 janvier 2006
Chantal J.

Désormais en retraite forcée quoique âgée de 55 ans seulement, cette ancienne secrétaire de médecine scolaire s’était vu imposer la vaccination contre l’hépatite B – selon une logique préventive qu’on peine toujours à comprendre, puisque la médecine scolaire n’est de toute façon pas destinée à des actes curatifs ou préventifs sanglants, qu’une secrétaire n’aurait pas été amenée à les pratiquer de toute façon et que, en tout état de cause, la population scolaire française est d’autant moins suspecte d’être contaminée que la campagne visait précisément à immuniser les enfants encore intacts pour minimiser le risque ultérieur… Quant à reconstituer, d’un autre côté, le raisonnement scabreux qui eût pu conduire à craindre une contamination de la secrétaire vers les enfants, on n’ose l’imaginer par rapport à une maladie virale dont (abstraction faite de la voie parentérale) la voie sexuelle reste le principal mode de transmission connu… C’est à ces petits riens qu’on mesure, même rétrospectivement, l’imparable logique qui préside aux mesures de santé publique dans notre pays.

C’est grâce à cette logique, qui ne semble guère avoir troublé la plupart des dix experts mentionnés, que Chantal J., femme splendide et débordant de vie – qui, à 45 ans encore, n’avait jamais bénéficié du moindre arrêt de travail tout en sacrifiant aux plaisirs de Vénus plusieurs fois par jour avec son mari – subit depuis dix ans un calvaire de douleur et d’invalidité dont elle m’a confié qu’il la conduisait à souhaiter tout simplement la mort.

Certains passages de son attestation (« c’est l’un des seuls experts qui m’a reçue en comprenant […] La visite a duré presque deux heures » ; « il ne m’a pas menti, car les autres experts […] ») sont quasi superposables à d’autres de la précédente (« celui-ci m’a reçu durant plusieurs heures, écoutant avec intérêt » ; « la seule différence notable […]).

Comme Sophie I., Chantal a les plus grands doutes quant à l’indépendance des « experts », que ce soit par rapport aux laboratoires ou à l’administration sanitaire (« le ministère » pour Sophie, « l’Etat » pour Chantal). Tandis que toutes les investigations sérieuses sur le sujet, par exemple celles récentes du Sénat américain ou du Parlement britannique confirment ces soupçons sans la moindre ambiguïté, on ne manque pas d’être frappé que ces représentantes de la France sanitaire « d’en bas » fassent preuve d’une lucidité incomparable par rapport à l’adjointe du Directeur Général de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire et des Produits de Santé (AFSSAPS), laquelle soutient dans une interview quasi contemporaine que « les experts ne sont pas des vendus »[14].

Comme Sophie également, et quelques autres déjà rencontrés, Mme J. conclut son attestation par une moralité, laquelle relativise aussi le soupçon de « collusion » expertale qui pourrait émerger d’une lecture trop superficielle des attestations précédentes :

Pour moi, un expert doit être impartial, être honnête avec lui-même, ni contre l’Etat, ni pour le patient.

A la différence des témoins qui visent sans complexe à la généralité, la réserve introductive – « pour moi » – rétrograde à une simple opinion personnelle la portée du propos, laissant entendre que dans l’échantillon des dix experts rencontrés par Mme J., ces qualités pourtant élémentaires ont plus été l’exception que la règle. Malgré tout son courage, Chantal est désormais trop épuisée pour s’impliquer dans une authentique révolution : où irait-on si devait s’imposer comme loi « pour tous » qu’un expert devrait être « impartial », voire « honnête » ?…

 

« On m’a rétorqué aussitôt : ‘Madame, ne dites pas n’importe quoi’ »

 

La vaccination contre l’hépatite B m’a provoqué différents troubles et douleurs musculaires. J’ai porté l’affaire en justice. J’ai dû être examinée par plusieurs experts.

La plupart des experts m’ont fait un examen très succinct, dès que je commençais à parler et à essayer d’expliquer mes troubles et les douleurs que j’ai, on m’a rétorqué aussitôt : « Madame, ne dites pas n’importe quoi, et ne commencez pas à vous plaindre de maux que vous n’avez pas. » L’examen n’avait pas duré cinq minutes.

D’ailleurs je m’en suis plainte à mon avocate.

Par contre lorsque j’ai été examinée par le Dr Girard, celui-ci m’a écoutée, posé des questions sur les troubles que j’ai, il essayait de me les faire préciser, prenait des notes. Quand aux douleurs musculaire il a examiné minutieusement les endroits douloureux. Le Dr Girard a été le seul expert a demander des examens complémentaires auprès d’autres spécialistes. Je considère qu’il apporte plus d’éléments scientifiques, il a fait une recherche bibliographique importante ce que n’avaient pas fait les autres experts.

Après l’examen du Girard, je n’avais pas l’impression d’être coupable de vouloir me défendre, comme lors des autres expertises ou l’on cherchait surtout a me culpabiliser.

Fait à G***, le 12 janvier 2006
Françoise K.

Agée de 62 ans, cette ancienne éducatrice spécialisée, autrefois très sportive, vit depuis plus de dix ans avec un important syndrome de fatigue chronique : si elle a perdu l’essentiel de son énergie, elle a conservé tout son humour et, comme Jean‑Pierre F, elle n’a pas non plus la langue dans sa poche. Curieusement, d’ailleurs, elle a construit son témoignage exactement de la même façon que lui, sur une rhétorique d’oppositions rendues encore plus frappantes par l’usage du style direct (« Madame, ne dites pas n’importe quoi »), tout en concluant sur le sentiment de soulagement qui l’habitait en sortant de mon bureau, qui vaut surtout par contraste avec les agressions des précédentes expertises :

(…) je n’avais pas l’impression d’être coupable (…)

Si Jean-Pierre F. décrivait crûment la « vexation » infligée par les experts, c’est ici la première fois – mais pas la dernière – qu’une victime évoque explicitement l’état de culpabilité où l’ont enfoncée les précédentes expertises.

Comme Mme J. et quelques autres, Françoise K. semble avoir une expérience éprouvée des experts (« la plupart des experts »), qui n’en rend que plus crédible son témoignage. Egalement au chapitre des éléments de crédibilité, les évaluations objectives qui fondent sa rhétorique d’opposition – le temps passé (« un examen très succinct [qui] n’avait pas duré cinq minutes »), le soin accordé à l’écoute et à l’examen physique : Mme K. souligne ici la « minutie » du Dr Girard dans l’examen des « endroits douloureux », là où d’autres qui avaient également mal se rappelaient l’attention accordée au récit de leurs « souffrances » ou de leurs « douleurs » et alors même qu’un peu plus loin, nous verrons Mme S. accuser carrément l’expert précédent de l’avoir sciemment brutalisée.

Comme dans d’autres attestations, on notera que le registre lexical de « l’écoute » est, comme par hasard, très lié à celui des « questions » posées, du souci expertal de la « précision », de la « demande » (d’examens complémentaires), enfin celui de la « recherche » (bibliographique). Madame K. n’a pas éprouvé le besoin d’achever sur une moralité : mais c’est, mine de rien, une véritable épistémologie de l’expertise qu’elle a dégagé de sa douloureuse – et culpabilisante – expérience.

 

« Jamais un expert ne s’était autant soucié de ma personne »

 

Dans le cadre d’une requête auprès de la Direction Générale de la Santé suite à un accident post-vaccinal hépatite B, je me suis présentée le vendredi **/**/2004 au cabinet du Docteur Marc GIRARD, expert en pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie à Versailles avec mon conseil Maître L. en vue d’une contre-expertise. J’ai été agréablement surprise par l’accueil que m’a réservé le Docteur GIRARD. Les conditions d’accès à son cabinet étant difficiles de par mon déplacement en fauteuil roulant, Docteur GIRARD a pris la peine de venir m’accueillir à l’entrée de l’immeuble et de me proposer son aide. Très angoissée et dépressive de par ma situation, Docteur GIRARD a su me mettre en confiance. A la différence d’autres experts, il ne s’est pas contenté de réaliser un examen clinique accompagné d’un mini-entretien banal sur les antécédents médicaux et l’histoire de la maladie. L’entretien a duré trois heures et a été mené d’une manière progressive avec un grand professionnalisme et une grand humanité, partant de mes antécédents personnels et familiaux, de l’histoire de la maladie pour en arriver au plus douloureux : l’évocation de ma vie avant la maladie et ce que je suis devenue depuis, dans tous ses aspects : personnels, professionnels, familiaux et sociaux. Docteur GIRARD m’a permis de m’exprimer amplement et a fait preuve d’une écoute véritable et d’une attention réelle tout au long de l’entretien. Jamais un expert ne s’était autant soucié de ma personne ni n’avait fait preuve d’autant de professionnalisme.

Fait à W***, le 17 janvier 2006
Claire L.

S’il me fallait une dernière preuve que les victimes ont bien entendu la mise en garde concernant mon horreur des témoignages de « complaisance » ou des « faux témoignages », l’attestation de cette femme jeune, blonde, belle et déchirante achèverait de me rassurer. Professionnelle de santé expérimentée malgré sa petite trentaine, cette ancienne infirmière en soins pédiatriques intensifs, sportive acharnée, que des troubles sévères de la coordination avaient conduite en quelques mois à un état de totale dépendance et de solitude ravageante, était arrivée à mon cabinet en chaise électrique et avec un dossier médical évoquant la probabilité d’une hystérie… L’extrême retenue de son attestation qui récapitule, elle aussi de « manière progressive », la gravité de notre échange n’est pas d’une hystérique, comme attesté aussi par la carte de vœux qu’elle m’avait spontanément adressée un an auparavant, où l’émotion transparaissait plus lisiblement, quoique de façon maîtrisée également :

Juste un petit mot pour vous dire
Merci
Merci d’être qui vous êtes
Merci de tout ce que vous avez fait pour moi
Merci pour ce rayon de soleil,
cette lueur d’espoir.

Malgré sa touchante retenue, ce témoignage nous livre de nouveau un portrait de l’expert en héros. Songez plutôt : seul homme parmi trois femmes (la victime, l’ambulancière et l’avocate) dont l’une paraplégique dans un fauteuil électrique de quelques dizaines de kilos, il a même pensé à « proposer son aide » pour gravir les marches assez élevées qui conditionnent l’accès à son cabinet ! Il faut vraiment que le gars-là ait des dons hors du commun pour penser à des trucs pareils : le « cabinet » dont Claire se souvient, pour sûr, c’est Le Cabinet des Fées

C’est que, dans le monde expertal français, on passe vite pour un magicien dès lors qu’on est simplement normal… Et l’on se prend de plus en plus à penser qu’il y a quelque chose de louche dans ce milieu où la normalité est une marque d’exception.

Déjà vanté par Mme K. pour avoir fait un peu plus qu’un « examen très succinct », le technicien d’exception apparaît aussi comme celui qui ne se contente pas d’un « mini-entretien »… « à la différence d’autres experts ». Comme avec Mme I., il s’est aussi attaché à évoquer les conséquences actuelles de la maladie – démarche manifestement originale en expertise, dans laquelle Claire voit la marque d’une « grande humanité »…

Le reste est à l’avenant, et il est un fait que recevant cette jeune femme, qui avait fait plusieurs centaines de kilomètres dans les conditions que l’on imagine relativement à la gravité de son infirmité, l’expert n’a pas regardé sa montre. Dérapage affectif ?

Jamais un expert (…) n’avait fait preuve d’autant de professionnalisme.

C’est aussi une professionnelle de santé qui parle.

 

« Une expertise pour rien »

 

Je soussigné, François M., déclare être entièrement satisfait du sérieux avec lequel le docteur GIRARD a pratiqué l’expertise que je lui ai demandée.

M’estimant victime du vaccin contre l’Hépatite B, j’ai engagé une procédure contre le laboratoire ***. J’ai fait appel au docteur GIRARD (membre d’une association agréée et expert auprès des Tribunaux) pour pratiquer une expertise concernant mon cas lors de l’appel du jugement par ce laboratoire.

Lors de cette expertise, le docteur GIRARD a examiné consciencieusement mon dossier médical, mettant en relief des concordances de temps et de faits, qui n’avait pas encore été révélées par la première expertise demandée par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Ces faits concernent en particulier le rappel de vaccination en 1994.

J’ajoute que le docteur GIRARD a non seulement examiné avec soin les pièces de mon dossier médical et qu’il l’a fait avec beaucoup d’humanité.

Fait ce jour pour faire valoir ce que de droit.

Le 7 janvier 2006
François M.

Quinquagénaire d’un admirable courage dans l’adversité, ancien cadre d’une entreprise nationale naguère vaillant sportif et musicien talentueux, François M. a vu sa vie brisée par une sclérose en plaques très invalidante qui l’a rapidement confiné en fauteuil électrique dans un état de dépendance presque totale : les premiers symptômes de cette maladie foudroyante se révélant alors que son épouse était enceinte de leur dernière fille…

Malgré la rapidité et la fermeté de sa réponse, François semble plutôt en retrait sur les plus véhémentes des attestations précédentes. En fait, il est l’une des rares victimes qui n’ait pas été déboutée en première instance, sur la base d’une expertise où, pour une fois, les experts n’avaient pas absolument réfuté un rôle causal de la vaccination – mais comme d’habitude sans la moindre motivation et dans un mépris constant de l’abondante bibliographie disponible. C’est l’avocat de M. M., préoccupé par la faiblesse de cette expertise, qui s’était tourné vers moi en prévision de l’appel interjeté par le fabricant.

A dire vrai, François M. lui-même avait conscience du problème posé par sa première expertise, et il m’avait spontanément confié qu’il la considérait comme « une expertise pour rien ». Il voulait dire par là que, selon une pente d’ailleurs entretenue par les tribunaux qui s’obstinent à désigner des neurologues en ce type d’affaire, les précédents experts s’étaient concentrés sur le diagnostic de sclérose en plaques – lequel était acquis depuis longtemps et ne posait, malheureusement, aucune difficulté – alors que le problème judiciaire soulevé par la procédure engagée tournait autour de la défectuosité d’une part, de la causalité d’autre part, toutes problématiques sur lesquelles les membres du premier collège expertal n’avaient manifestement pas la moindre lumière : comme l’immense majorité de leurs collègues, n’avaient-ils pas négligé même les fameux « rapports périodiques de tolérance » sur lesquels nous reviendrons et qui représentent le document technico-réglementaire de base en matière de iatrogénie médicamenteuse ? Lui-même dépourvu de toute formation médicale, François (qui, avec sa femme, s’est en parallèle donné beaucoup de mal pour médiatiser mon rapport sous le titre L’expertise qui dérange) a immédiatement relevé mon souci des « concordances de fait et de temps » – frappants en l’espèce et arguments majeurs en matière de causalité iatrogène en général, mais qui n’avaient pas eu l’heur de retenir l’attention des premiers experts.

L’expérience de François M. pose donc un double problème. D’une part, la situation schizophrénisante des victimes qui, « bénéficiant » d’une expertise de mauvaise qualité qui leur est néanmoins favorable, n’ont pas vraiment les moyens de la contester alors qu’ils sentent très bien que ses faiblesses pavent le boulevard du succès pour l’appelant[15]. D’autre part le choix des spécialités dans une problématique médico-juridique complexe, et la lucidité – ou le manque de lucidité – des experts désignés par les magistrats quant à leur compétence effective pour l’espèce judiciaire soulevée : il est certain que si les neurologues désignés en ce type d’affaire s’étaient massivement déportés pour incompétence – comme ils auraient le faire – ils auraient contraint les magistrats à une réflexion, qui fait encore défaut aujourd’hui, sur la spécificité technico-juridique du problème posé.

D’où il ressort que sans le moins du monde chercher à « dire le droit », des experts consciencieux peuvent avoir une influence déterminante sur le cours judiciaire, et même juridique d’une procédure : n’est-il pas patent que des experts dotés d’un minimum de conscience quant à leur rôle effectif eussent pu influer très favorablement l’affaire d’Outreau  ?

 

« Le rapport qu’il a ensuite établi me semble parfaitement correspondre à mes déclarations »

 

J’ai personnellement été soumis à une expertise concernant ma maladie (sclérose en plaques) pratiquée par le Docteur GIRARD à Versailles en date du **/**/2005.

Le Dr GIRARD m’a examiné et interrogé pendant plus de 2 heures sur l’anamnèse[16] et l’évolution de ma maladie de façon très consciencieuse et professionnelle. Le rapport qu’il a ensuite établi me semble parfaitement correspondre à mes déclarations et mon état.

Ses connaissances et son expérience indéniable en matière d’expertises médicales correspondent parfaitement à mon attente de la part d’un expert indépendant et qualifié.

A S***, le 16 janvier 06
Didier N.

Dans l’ordre de présentation ici adopté, la « série » examinée jusqu’à présent aurait pu – à la rigueur – justifier la critique qu’elle s’est fondée, en tout et pour tout, sur une bande de frustrés trop agacés d’avoir été justement déboutés et tout excités à l’idée de soutenir l’un des rares experts, sinon le seul, à documenter que le vaccin contre l’hépatite B pose quand même de singuliers problèmes de tolérance. Le témoignage précédent de François M. – qui n’a pas été débouté – est un premier élément de réponse. La convergence d’ores et déjà frappante des témoignages et de leur thématique en est un autre. Le témoignage actuel de Didier N. et celui qui suit achèvent la réfutation.

Il s’avère en effet que ces deux attestations émanent des deux médecins de la série. Dans la mesure où « l’affaire » de la vaccination contre l’hépatite B renvoie, globalement, à une singulière faillite de notre profession, qu’ils veuillent bien me pardonner, lorsqu’ils me liront, de confesser ici que j’avais fort peu escompté sur une réponse positive de leur part. Or, même s’il est aujourd’hui difficile de trouver des médecins prêts à une remise en cause radicale de la dynamique qui a conduit à ce drame de santé publique sans précédent, on reconstitue sans peine l’impulsion confraternelle qui a conduit Didier N. et Pierrette O. à intervenir dans une affaire où un médecin s’est vu attaqué de façon inique quant à sa compétence et sa déontologie.

Car dans sa concision, l’attestation du Dr N. – sexagénaire expérimenté, avec d’importantes responsabilités syndicales – est une réfutation sans appel des accusations proférées par la DGS : décrite au travers du schéma immuable que l’on inculque aux étudiants dès leurs premières années à la faculté (interrogatoire, examen), la consultation s’est déroulée de façon « très » consciencieuse et, plus encore, « professionnelle ». Dans la mesure où le rapport résultant correspond « parfaitement » à ce qui est ressorti de cette consultation, et que l’analyse opérée s’est enrichie de « connaissances » et d’une expérience « indéniable », que pourrait-on reprocher à l’expert ?

Que lui reproche-t-on, en effet ?

 

« Le Docteur G. m’a reçue à l’heure prévue… »

 

Je soussignée Mme O. avais été reçue le **/**/2001 par le Dr Marc Girard, au 1 bd de la République à Versailles, pour une expertise dans le cadre de la reconnaissance d’accidents de la vaccination contre l’hépatite B.

Le Docteur G. m’a reçue à l’heure prévue (14h), m’a interrogée sur la chronologie des événements liés à ma pathologie, sur leur retentissement au quotidien. Il a procédé à un examen clinique que je peux qualifier de complet. Il a été totalement à mon écoute, et n’a fait à aucun moment de commentaire insinuant ses conclusions quant à son expertise. Il a été d’une correction, amabilité et professionnalisme à l’honneur de son métier.

A P***, le 5 février 2006
Pierrette O.

Superposable à la précédente pour l’essentiel de sa thématique, l’attestation de Pierrette O. revient également sur un environnement d’expertise qui a frappé d’autres témoins : à la « courtoisie » (M. F.), la politesse (Mme G.), la « délicatesse » (M. et Mme B.) et l’amabilité (Melle L.), Mme O. ajoute la ponctualité – que l’on n’avait pas encore évoquée dans le portrait de l’expert en héros.

Agée de 48 ans, exerçant en ré-éducation fonctionnelle et à ce titre en « corps-à-corps » quotidien avec ses patients, le Dr O. s’autorise également à me donner acte d’un examen clinique « complet » apparemment satisfaisant, ce qui ne va pas nécessairement de soi car je ne suis pas un clinicien et n’ai jamais revendiqué l’être. Ce satisfecit inespéré éclaire donc ce qui a été évoqué une première fois à propos de François M. : l’enjeu, dans ce type d’expertise, n’est généralement pas le diagnostic de sclérose en plaques – déjà établi depuis longtemps par des spécialistes et par rapport auquel je risquerais quant à moi d’être peu performant. Avec un minimum de compassion et d’écoute, il apparaît néanmoins comme possible d’opérer de manière effectivement « complète » un examen qui vise, en fait, à une évaluation de dommages[17]. Et, avec Mme Q., nous verrons ce qui se passe, à l’inverse, lorsque des experts de compétence clinique indubitablement supérieure à la mienne manquent justement de cette inclinaison à la compassion…

Il s’avère, de plus, que le Dr O. est la seule victime de la présente « série » à relever de ces expertises dont je parlerai plus loin et dont la rémunération fait désormais l’objet d’un contentieux avec le Ministère de la santé. Aussi catégorique que celle du Dr N. mais cette fois précisément concernée par ce contentieux, l’attestation du Dr O. est donc bien une gifle sans appel à la pauvre argumentation que le Ministère prétend m’opposer : déjà conforté comme « indépendant et qualifié » par le premier de ces deux témoins médecins, le Dr Girard a fait preuve, selon la seconde, d’un « professionnalisme à l’honneur de son métier ».

Or, comme nous y reviendrons, le litige entre l’auteur de ces lignes au Ministère de la santé est peu ou prou le même que ceux – répétitifs – l’opposant à l’administration judiciaire. En parallèle, l’affaire d’Outreau ne permet plus d’ignorer la réalité de défaillances expertales, tandis que la série ici présentée suggère qu’elles pourraient être la règle plus que l’exception, du moins dans certaines spécialités. Alors que, ce nonobstant, aucune sanction spontanée ne semble avoir été prise contre les experts dont les performances révulsent tant de justiciables, l’attestation du Dr O., renforcée par celle du Dr N., conduit nécessairement à une question d’une immense portée – qui est aussi au cœur de ce livre : pourquoi l’administration française s’acharne-t-elle spécifiquement sur ceux des experts judiciaires qui sont « l’honneur » de leur métier ?

 

« Il s’est assoupi devant moi sur mon dossier »

 

Suite à mon accident vaccinal, j’ai été soumise à 5 EXPERTISES.

Ma première expertise ne s’est pas bien passée.

Le Dr C*** a tout d’abord refusé que je sois accompagnée d’un témoin.

M’ayant convoquée vers 19H, après sa journée de travail, il s’est assoupi devant moi sur mon dossier.

Il a réagi violemment lorsque j’ai toussé pour le réveiller ; il ne m’a pas examinée, m’a demandé de lui laisser mon dossier afin de l’étudier, sans me poser des questions sur mes antécédents médicaux ce qui lui aurait évité de nombreuses erreurs dans son expertise.

Cet expert a même demandé au Dr T*** qui me suivait à l’HOTEL DIEU de retirer de mon dossier un CERTIFICAT MEDICAL RELATANT MON ACCIDENT VACCINAL. (Destruction de preuves)

Ce document est en ma possession.

*******

Ma contre-expertise avec le Dr GIRARD se déroula différemment.

Il m’a accueillie avec ma famille, acceptant la présence de ma Marraine et de mon Avocate, lors de notre entretien.

Pendant 2 heures il m’a écoutée, m’a questionnée sur mes antécédents médicaux, sur les maladies de mes parents, de mes frères et soeurs, sur ma vie professionnelle, mes loisirs avant ma vaccination ; pour étayer mes dires il a compulsé mes nombreux dossiers (examens divers, laboratoires, compte-rendu d’hospitalisation, etc.)

Pour la première fois je me sentis en confiance et prise au sérieux.

Pour la troisième expertise, je me suis rendue à T***, avec mon Médecin traitant, convoqué par le DR ***.

Il n’avait presque pas de documents me concernant alors que la CPAM avait un épais dossier.

Peu d’échange, mais surtout un cours sur les bienfaits de la vaccination.

Le résultat de cette expertise dont j’ai reçu un exemplaire, tient en une ligne.

*******

Ma 5ème expertise, par le Professeur C*** à TOURS, s’est bien déroulée, j’étais assistée de mon AVOCATE.

Le Professeur avait pris connaissance de mon dossier, et lors de notre entretien en présence de mon Avocate il a apprécié le travail de recherche du Dr GIRARD.

La conclusion du Pr C*** se rapproche de celle du Dr GIRARD.

*******

L’expertise pour un être humain qui souffre est une rude épreuve, elle est stressante, déstabilisante et paralysante, elle replonge sans arrêt la victime dans ses épreuves, moi j’en ai subi 5…

Merci au Docteur GIRARD pour son écoute, sa mise en confiance et ses recherches.

A T***, le 16 janvier 2006
Sylvie P.

Si la série d’attestations présentées dans ce livre s’arrêtait à celle de Mme O., elle suffirait largement à documenter un problème à tout le moins significatif dans le monde expertal français. A cet égard, cependant, les témoignages cités jusqu’à présent valent surtout, comme je l’ai souligné en Introduction, par ce qui se dégage en creux du portrait de l’expert en héros : si, après expérience des autres, celui-ci se dégage à ce point comme un superman de l’expertise, c’est forcément qu’il y a eu problème avant – la fermeté du contour tenant tout particulièrement à la récurrence frappante de certains thèmes qui ne peuvent pas tous avoir été inventés. Certes, les témoins se sont souvent autorisés à quelques piques directes à l’encontre de leur(s) précédent(s) experts, mais de façon assez succincte, généralement dans les limites de place prévues par les formulaires classiques d’attestation ; les auteurs des témoignages qui nous restent à découvrir se sont, quant à eux, manifestement impliqués dans une analyse consciente et délibérée de ce qui les a fait souffrir lors de leurs précédentes expertises.

Sexagénaire qui n’a rien perdu de sa causticité intellectuelle malgré la maladie, ancien professeur technique spécialisé, Sylvie P. est un parfait exemple de cette tonalité nouvelle. C’est très consciemment qu’elle a tenu à dactylographier son attestation (trois des quatre attestations qui viennent sont dactylographiées), et c’est non moins consciemment qu’évoquant sa contre-expertise, elle bascule soudain au passé simple – le temps de l’Histoire (« Saint Louis fut un roi juste et bon »)[18] – avant de conclure sur une moralité dont l’aspect exemplaire est clairement souligné :

L’expertise pour un être humain qui souffre est une rude épreuve (…)

tandis que réveiller l’expert qui dort frise la provocation :

Il a réagi violemment…

Pour le reste, les thèmes de l’attestation recouvrent ceux que nous avons le plus souvent rencontrés : l’accueil de l’expert, le temps de la consultation (« pendant deux heures »), l’attention prêtée tant aux dires du demandeur qu’aux pièces du dossier, le souci de comprendre (les questions sur les antécédents médicaux), l’absence d’idées préconçues (« un cours sur les bienfaits de la vaccination »), l’absence de mépris :

Pour la première fois (…) je me sentis prise au sérieux.

Même – et surtout – quand ils ne sont pas « pris au sérieux », les requérants sont quand même assez malins pour apercevoir le lien entre la méthode de l’expert et sa performance finale : interroger le malade « aurait évité de nombreuses erreurs dans son expertise », tandis que le résultat d’un rendez-vous où il n’y a eu que « peu d’échange » tient, logiquement, « en une ligne ». Il est non moins logique que lorsqu’un Professeur a « pris connaissance » du dossier, sa conclusion « se rapproche de celle du Dr Girard »…

Sauf erreur, Mme P. est aussi la première à introduire comme paramètre important que l’expert accepte les accompagnants de la victime : on ne sait pas si lesdits accompagnants fonctionnent comme « témoins » (« le Dr C*** a tout d’abord refusé que je sois accompagnée d’un témoin ») ou bien si « la rude épreuve » de l’expertise est telle que n’importe qui d’autre que l’expert vaut pour un ami bienvenu (« ma famille » incluant pour l’occasion « ma marraine et mon Avocate »). Mais il est certain que cette acceptation contribue au climat de l’expertise :

Pour la première fois, je me sentis en confiance.

Avec l’attestation suivante, nous allons voir que la présence de tiers peut même conditionner bien davantage qu’un simple climat.

 

« J’ai eu l’impression d’être jetée dans la cage aux lions »

 

Le **/**/2005, le Docteur Marc GIRARD m’a reçue en consultation pour une expertise judiciaire à titre privé. Il nous a accueillis, mon mari et moi, avec un sourire affable qui nous a tout de suite mis à l’aise.

Il faut savoir que j’avais déjà vécu deux expertises judiciaires.

La première s’est déroulée le **/**/1999 avec trois grands professeurs experts. Mon mari n’a pas été autorisé à entrer dans la salle où j’ai retrouvé mon avocate et le médecin qui m’assistait, avec une pléiade de docteurs, assureurs, avocats, qui représentaient la partie adverse. J’ai eu l’impression d’être jetée dans la cage aux lions. Lors de l’interrogatoire, les questions fusaient de tous côtés avec à peine le temps de répondre. Je me sentais fautive (mais de quoi ?) comme une inculpée à qui l’on veut faire avouer sa culpabilité.

La deuxième s’est passée en deux temps : consultation avec un expert-neurologue le **/**/2003, puis avec un expert-ophtalmologue le **/**/2003[19]. Mon mari a pu y assister mais n’a pas été autorisé à parler. L’assistance était bien moins nombreuse, la partie adverse n’ayant envoyé qu’un avocat, un assureur et un médecin. Après ces consultations, je pensais que les experts m’avaient comprise, même s’ils avaient accordé peu de crédit à ma grande fatigue et à mes problèmes urinaires. J’ai été déçue quand j’ai lu leur rapport de janvier 2004.

Il est vrai que je n’ai pas de connaissances médicales (ni judiciaires d’ailleurs). J’ai l’impression que le malade n’est pas considéré comme une personne mais est étudié par morceaux. Les neurologues ont tous été satisfaits car je suis traitée par Bétaféron, qui est une grande avancée médicale dans le domaine. L’ophtalmologue m’a attribué comme acuité visuelle un dixième à gauche et neuf dixièmes à droite. Avec une moyenne de dix sur vingt, d’après lui je peux retravailler comme avant : facile quand il faut aller aux toilettes toutes les heures…

Avec le Docteur GIRARD, après l’examen médical, l’interrogatoire a été précis, chronologique. Il a duré longtemps car, contrairement aux autres expertises, il me laissait parler. Se replonger dix ans en arrière est douloureux, j’ai abordé des « détails » de l’époque qui ne me semblaient pas importants, mais l’expert les a écoutés et notés.

Par exemple, c’est pendant ce questionnement chronologique que je me suis remémorée la crise d’appendicite de ma fille de dix ans. Les autres experts m’auraient immédiatement interrompue : on n’était pas là pour parler des enfants. Je me suis rappelée que je suis restée la nuit à l’hôpital pour veiller mon enfant après son opération ; que c’est là que j’ai écrit au stylobille les lettres aux deux laboratoires fournissant le vaccin anti-hépatite B, pour savoir si ma fille pouvait être vaccinée au collège l’année suivante. C’était en novembre 1996, je souffrais d’une Névrite Optique Rétro Bulbaire qui récupérait peu à peu, et savais que ce vaccin était systématique en classe de sixième. J’étais comptable alors et je ne savais pas que c’était le début de ma Sclérose en Plaques.

Malgré mes lacunes en médecine et en droit, je sais maintenant que j’ai une qualité, comme l’a affirmé mon époux au Docteur GIRARD quand je me plaignais que j’avais sans doute égaré ces fameux courriers : « elle garde et archive tout ! »

C’est important un médecin qui arrive à instaurer un climat de confiance, et qui respecte son vis-à-vis, en s’adressant au malade comme à une personne.

Fait à R***, le 16 janvier 2006
Martine Q.

Ancienne comptable âgée de 45 ans, mignonne et pétillante, timide facilement paniquée mais ne demandant qu’à se lâcher quand elle est mise en confiance, Mme Q. fait, comme M. F., partie des personnes contactées qui se sont immédiatement tournées vers leur avocat pour lui faire part de ses doutes quant à sa capacité de rédiger l’attestation sollicitée. On voit que, comme lui, elle ne s’en est pas si mal tirée…

Compte tenu de la portée jurisprudentielle des décisions qui ont concerné cette affaire, nous reviendrons longuement sur ce témoignage. Mais on peut d’ores et déjà souligner le vécu, par la requérante, de l’expertise qui a ainsi conditionné les plus éminentes juridictions françaises :

J’ai eu l’impression d’être jetée dans la cage aux lions.

La Justice de notre pays gagne-t-elle à s’appuyer sur des fauves[20], qui traitent les victimes comme des délinquants ?

Je me sentais fautive (mais de quoi ?) comme une inculpée à qui on veut faire avouer sa culpabilité.

Martine n’invente rien : ce sentiment de « culpabilité » est, textuellement, celui déjà rapporté par Mme K. tandis que ce feu de questions colle exactement avec l’attestation de M. F. (« un vrai interrogatoire, une pression »). Or, la plupart de ces gens ont des troubles mnésiques, parfois importants, dus à la maladie ; qui plus est, nombre d’entre eux (elle en particulier), logiquement déprimés, reçoivent également des psychotropes dont on connaît les effets dommageables sur la mémoire ; enfin, outre qu’ils souffrent de pathologies comme la sclérose en plaques, notoirement insidieuses, les formes cliniques qu’ils développent sont souvent atypiques de telle sorte qu’ils ont eux-mêmes beaucoup de difficulté à se repérer et à organiser le souvenir de leurs premiers symptômes. Et, au lieu qu’en spécialistes expérimentés, les experts judiciaires repèrent cette atypie comme hautement suggestive d’une origine iatrogène[21] et, qu’en tout état de cause, ils aident avec une compassion simplement hippocratique ces patients neurologiques à surmonter les défaillances de leur mémoire – fonction neurologique s’il en fut –, ils s’acharnent avec une brutalité inhumaine à aggraver les effets de la maladie (du déficit mnésique, en l’occurrence) par un bombardement de questions dont ils n’écoutent souvent pas les réponses. De telle sorte que les patients, ainsi conduits à un état d’incohérence piteuse pourtant réductible à la seule sauvagerie des experts, se voient cruellement décrédibilisés :

Madame, ne dites pas n’importe quoi (Mme K.)

Ce scandale médical se double d’un scandale judiciaire puisque les médecins des fabricants ou de leurs assureurs ne se gênent pas pour participer à l’hallali : on remarque à ce sujet – et ce n’est pas un hasard – que Martine Q. ainsi assaillie de questions qui fusent « de tous côtés » en provenance de « cette pléiade de docteurs » est manifestement incapable de faire la moindre différence entre celles qui viennent des experts judiciaires et celles qui viennent des fabricants. On est donc là, et je pèse mes mots, dans une véritable entreprise de déstabilisation de la victime à laquelle participent conjointement – je devrais dire : co-opèrent – ses adversaires dans la cause et les experts désignés par le Tribunal ! Et il suffit d’interroger n’importe quel avocat habitué à ce type d’affaire pour vérifier que l’expérience de Mme Q. est loin d’être unique.

Les mécanismes de la torture neuro-cognitive étant ainsi établis (« j’en suis ressorti abasourdi, incompris et vexé », dixit M. F.), venons-en aux procédures d’humiliation. Devant la partie médicale de tout ce beau monde, incluant – toujours – les médecins des fabricants et de leurs assureurs, Martine (âgée de moins de quarante ans à l’époque, et d’ailleurs fort jolie s’il m’est permis de le dire) est priée de se mettre en sous-vêtements et se voit imposer, dans cette tenue, moult gesticulations, au nom des exigences supposées de « l’examen neurologique ». Pour finir, et toujours en soutif, on lui ordonne de courir devant l’assistance, ce qu’elle s’applique à faire avant de s’écrouler en pleurant… Les trois experts désignés sont agréés par la Cour de cassation ; le légiste est même président d’une des plus éminentes sociétés françaises d’experts : rien que du beau monde, en effet[22].

Il suffit de lire le rapport résultant pour apercevoir la gratuité de toute cette maltraitance. Il ne ressort rien d’intéressant de ce feu de questions et l’épreuve de course en soutif a été d’autant moins déterminante qu’en tout état de cause, comme nous l’avons déjà souligné (cf. M. M.), le diagnostic de sclérose en plaques était parfaitement établi pour Martine et depuis fort longtemps. Fallait-il tant d’humiliation pour conclure, en tout et pour tout, que « la course et le saut à cloche-pied, surtout à gauche, sont très imparfaits ? » : on imagine que la jurisprudence des accidents vaccinaux sera illuminée par des considérations techniques d’une portée aussi décisive… Dans son formalisme fallacieux, de toute façon, l’examen clinique en cours d’expertise serait beaucoup trop sommaire pour permettre un diagnostic de sclérose en plaques s’il n’avait pas déjà été posé ; inversement, si le diagnostic est clair à partir du dossier, on ne voit pas vraiment l’intérêt d’une aussi odieuse séance[23].

En regard de cette prouesse clinique, examinons à présent la performance des experts quant à un point cette fois crucial de la mission qui leur a été fixée : la détermination du lien de causalité entre le vaccin d’une part et les troubles neurologiques développés ensuite par la victime. A l’instar de Mme P., Martine regrette que son mari n’ait pas été « autorisé » à entrer dans la salle. La position des experts sur ce point renvoie déjà à un singulier manque de compassion : comme Mme P. le soulignait, l’expertise – même lorsqu’elle n’est pas pratiquée par des brutes perverses – est déjà une « rude épreuve ». En l’espèce, de plus, le mari de Martine a déjà beaucoup donné dans cette histoire qui s’est soldée pour lui par un terrible infarctus, justiciable d’un transfert héliporté en urgence – exemple parmi d’autres de ces bouleversantes histoires d’amour suscitées par les effets trop cruels du vaccin, qu’au décours de mes expertises j’ai souvent entr’aperçues avec un immense respect[24] et à côté desquelles Philémon et Baucis a l’allure d’un roman-photo un peu niais. En d’autres termes et à mon humble avis, le mari a suffisamment payé dans sa chair d’homme pour être reconnu en compagnon irremplaçable quand son épouse affronte cette « rude épreuve » de l’expertise… Cependant et pour parler comme Zola, notre trio d’implacables experts ne connaît que la « hautaine loi de la Science » : que vont-ils en faire ?

Il s’avère, je l’ai déjà dit, que la chronologie d’apparition d’une maladie iatrogène représente souvent un argument crucial de causalité. Ce nonobstant, cette chronologie apparaît souvent très confuse au premier abord, d’abord parce que les premiers symptômes renvoient généralement à de longues années en arrière, ensuite parce que – on l’a dit aussi – les patients ont souvent des troubles mnésiques, enfin parce qu’ils sont spontanément incapables de faire le tri entre le significatif et le non significatif dans le développement d’une pathologie aussi insidieuse que la sclérose en plaques. Par rapport à un symptôme aussi évocateur que la fatigue, c’est bien le conjoint qui va nous dire : « elle ne voulait plus faire l’amour alors que jusqu’alors, elle ne disait jamais non » ; par rapport aux troubles de la mémoire, non moins évocateurs, c’est également le conjoint qui va nous dire : « ce jour où elle a cassé sa voiture (à telle date vérifiable), elle a oublié d’envoyer à l’assurance le constat d’accident » ; par rapport aux troubles de la préhension, c’est encore le conjoint qui va raconter : « lors des 80 ans de la belle-mère (à telle date vérifiable), elle lui a lâché la saucière dans le décolleté. On a ri ! ». Dès lors, recueillir le témoignage des proches n’apparaît pas seulement comme une concession d’essence humanitaire, mais bien comme un préalable crucial pour l’évaluation de causalité[25]. Et c’est bien ce préalable qu’ont radicalement négligé nos experts par ailleurs obsédés de Science au point de ne pas percevoir l’incongruité cruelle, pour une jeune femme, d’une séance publique de course en tenue légère…

Sur cette question, il est facile d’achever la démonstration sur la base de la même attestation – et des recoupements que l’on peut opérer avec les autres témoignages. D’emblée mise « à l’aise » par le « sourire affable » du nouvel expert – et autorisée, par ce dernier, à rester avec son mari, Martine se laisse aller à raconter : « les autres experts m’auraient immédiatement interrompue ». Et le mari intervient, lui aussi. Et de toute cette remémoration entre l’homme et la femme, se dégage peu à peu un souvenir qui permet de reconstituer avec une grande précision un moment capital dans la phase d’apparition de la maladie. Puis tout à coup, le même épisode amène la remémoration d’un autre souvenir qui, depuis des années qu’elle a enclenché la procédure, avait échappé à tout le monde, y compris à son avocat : elle a écrit aux fabricants pour solliciter leur éclairage sur les risques de vacciner sa fille compte tenu de sa propre pathologie ! Or, l’ambiguïté patente des réponses qu’elle a reçues me permettra de documenter sur pièces la désinformation qui a présidé à la campagne de vaccination, partant la défectuosité du vaccin administré – point évidemment central dans une procédure centrée en droit sur la responsabilité des produits et par rapport auquel, est-il besoin de le dire, le trio du Crazy Horse Expertise était resté totalement muet.

De cette séance de contre-expertise, Martine tire un sentiment renouvelé de sa conscience de soi : « je sais maintenant que j’ai une qualité (…) ». Dans sa luminosité, ce sentiment d’avoir accédé à un niveau supérieur d’intégration – étrangement superposable à celui qui habite un patient au terme d’une psychanalyse réussie – rejoint trop celui d’autres victimes pour que son authenticité soit mise en doute :

Je suis ressorti détendu, compris, admiratif (M. F.)

Le rendu d’expertise colle à 100% avec mon histoire (Mme D.)[26]

Nous avons besoin de personnes comme M. Girard pour (…) la reconnaissance de ce que nous avons perdu (M. B)

Le Dr Girard m’a permis de m’exprimer amplement (Melle L.)

Pour la première fois je me sentis en confiance et prise au sérieux (Mme P.).

En repartant,(…) j’avais été entendue et avais pu exister malgré ces maladies (Mme R., cf. ci-après).

(…) un homme qui m’a aidée à me reconstruire moralement (…) Combien de personnes peuvent affirmer sortir de chez un expert avec l’envie de re-croquer la vie à pleines dents ? Combien ? (Mme S., cf. ci-après).

Le secret ? Oh, rien ou presque rien : arriver « à instaurer un climat de confiance » et s’adresser au malade « comme à une personne »… Cela ira chercher combien d’heures de crédit dans la formation continue désormais obligatoire des experts judiciaires, généralement assurée par les sociétés savantes comme celle placée sous la direction de l’éminent légiste du sinistre trio susmentionné ?

Il y a quelque chose d’effarant dans le fait qu’au décours d’un parcours judiciaire civil, normalement conditionné par une exigence d’équité, de prévisibilité et de contradictoire, il suffise désormais d’un « sourire affable » de l’expert pour qu’un justiciable se sente « tout de suite mis à l’aise » – « en confiance » ! Mme Q. se décrit comme une naufragée assoiffée qui, une fois secourue, reçoit comme un nectar sa première gorgée d’eau, fût-elle croupie : il n’est pas sain, en vérité, que le système expertal français transforme ainsi les justiciables en naufragés.

Ou, du moins, certains justiciables, car de nouveau, force m’est de constater que je n’ai jamais vu un représentant des fabricants scruter anxieusement le visage d’un expert pour y chercher l’esquisse d’un sourire, ou entendu l’un d’entre eux se plaindre d’être « jeté dans la cage aux lions » lors d’une expertise… Ni déplorer de se sentir « inculpé » : à l’heure où s’écrit ce livre et jusqu’à plus ample informé, la seule « inculpée » dans l’affaire de la vaccination contre l’hépatite B, c’est la principale avocate des victimes, Madame le Bâtonnier Mor[27] du barreau du Val d’Oise.

L’avocate de Martine Q., au fait.

Entre « inculpées »…

 

« En sortant, j’avais reçu son message
et n’aspirais plus à vivre »

 

Le **/**/1991, de retour d’une disponibilité, je réintègre mon poste d’infirmière de secteur psychiatrique au CHS de N*** qui m’avait employée depuis 1982. Au vu de l’art. L. 10 du code de la santé publique, j’accepte, confiante, avec un certain devoir civique le vaccin contre l’hépatite B.

Dès juin 1991, hospitalisée en urgence, je développe un diabète insulino-dépendant. Toujours en service, je m’étonne, consulte, ressent diverses sensations et douleurs qui seront diagnostiquées plus tard comme une sclérose en plaques : après IRM, ponction lombaire, potentiels évoqués, urodynamique… Malgré ces maladies chroniques, inconnues dans ma famille, je tente de continuer ma vie professionnelle. A cause de ces deux maladies « antagonistes » et les traitements pour y survivre (immuno-suppresseurs, cortisone, insuline) je dois me résoudre à renoncer à mon emploi en pédo-psychiatrie.

Je commence alors le cycle des expertises à L*** où je résidais, et connue du service de Neurologie, je suis en retraite pour invalidité. De retour à B***, ma ville natale, où je me sens plus protégée du fait de manque de forces et moyens, la DASS me propose une liste de médecins afin d’évaluer mon handicap.

En 2000, il n’apparaissait dans mon département aucun spécialiste des deux maladies dont je souffre, et j’ai été reçue par le Dr D***, de médecine interne. Alors, je pensais avoir une expertise, construite autour de dossiers médicaux, comptes-rendus d’hospitalisation, auscultation et questions diverses… Mr le Dr D*** m’a dit, en guise d’introduction, qu’il était obligé de s’astreindre à ce genre d’expertise et que cela ne l’enchantait guère… Mise tout de suite en situation, j’ai subi les questions, les remises en question des diagnostics posés, la précipitation, les insinuations, les humeurs, les humiliations de ce médecin.

En sortant, j’avais reçu le message et n’aspirais plus à vivre, tant je me sentais inutile, sotte, sale et méprisable.

Il m’a fallu du temps pour oser me faire entendre à nouveau. En 2001, j’ai choisi un médecin dont la spécialité me faisait penser « qu’il saurait de quoi il parlait ». Spécialiste en pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie, je me suis rendue le **/**/2001 auprès du Dr M. Girard, pour une contre-expertise, accompagnée cette fois par un avocat, pour me protéger d’éventuelles humiliations que j’avais déjà subies. Comme chaque fois, et encore plus depuis la dernière expertise, j’avais peur et étais intimidée.

Le Dr Girard avait mon dossier devant lui, qu’il avait préalablement déjà étudié. Il s’est penché sur l’histoire de mes maladies, insistant sur les périodes de survenue des symptômes, me questionnant sur mes antécédents familiaux… Il était disponible pour m’écouter. Bien que je sentais qu’il évaluait mes réponses, mon dossier, je pouvais et osais m’exprimer, même sur des sujets très intimes, tels les symptômes de la S.E.P.[28] Ensuite, il m’a auscultée dans son cabinet avoisinant et a pratiqué un examen neurologique. De retour dans son bureau, où m’attendait mon avocat, l’expertise a continué et j’ai pu exprimer mes souffrances, mes craintes pour l’avenir, mon histoire et cela, naturellement, sans pression, ni jugement. En repartant, je ne savais pas quelles étaient ses conclusions, mais j’avais été entendue et avais pu exister malgré ces maladies.

Depuis 5 ans, je suis la presse et l’évolution (ou plutôt la non-évolution) de l’Administration Française à ce sujet. Des commissions se réunissent pour traiter et re-traiter du problème. A chaque fois, les mêmes experts sont nommés, et statuent la non-reconnaissance d’effets irréversibles de ce vaccin. Pourtant, les lois ont changé, il y a plus d’obligation vaccinale systématique sur les enfants et adolescents. Ce choix reste au médecin traitant…

Comment un médecin pourrait-il mettre en péril sa déontologie, sa carrière, sa réputation et sans doute sa vie, s’il n’était pas persuadé, preuves à l’appui, et s’appuyant sur ses recherches et conclusions et sur d’autres écrits, de l’existence d’un lien de causalité entre ce vaccin et certaines maladies chroniques ?

Malgré les frustrations et l’abandon dans lequel je me trouve, je veux croire en la Justice, son équité et sa possibilité d’établir la Vérité !

L’argent et son pouvoir peuvent-ils l’influencer ? Donne-t-on à chaque partie adverse les moyens d’exposer leurs pensées pour pouvoir enfin ouvrir le débat en toute légalité ?

Fait à B***, le 15 janvier 2006
Nelly R.

N.B. Je remercie M. le Dr Girard pour ses sacrifices et son courage à défendre ma cause et celle d’autres personnes dans mon cas.

La seule des quatre dernières à n’être pas dactylographiée, l’attestation de Mme R. est aussi celle qui donne son titre au présent recueil. En matière de formulations frappantes, à dire vrai, on n’avait que l’embarras du choix :

En sortant [de l’expertise], j’avais reçu son message et n’aspirais plus à vivre, tant je me sentais inutile, sotte, sale et méprisable (c’est bien elle qui souligne).

Mais aussi :

(…) accompagnée cette fois par un avocat pour me protéger d’éventuelles humiliations que j’avais déjà subies. Comme chaque fois (…), j’avais peur et étais intimidée.

La thématique de l’expertise comme situation dangereuse et de l’avocat perçu comme garde du corps est également celle que nous avions perçue dans l’attestation de Mme P. Cette dernière, femme d’âge mûr peu encline à s’en laisser compter, était professeur, tandis que Nelly. R, âgée d’une petite quarantaine, est professionnelle de santé – à ce titre justiciable d’un minimum de confraternité de la part d’un médecin, fût-il expert : on peut s’interroger sur le sort d’un maçon portugais au français approximatif dans des circonstances similaires – et nous avons vu de toute façon celui réservé à Mme Q., française de souche et sans problème particulier ni d’expression, ni d’élocution (cf. M. F.)…

A mesure que l’entretien se prolongeait avec Nelly, j’avais remarqué que cette jeune femme noire, belle et terriblement digne[29] était prise d’un tremblement croissant. Alors que rien, dans le déroulement paisible de notre conversation, ne me paraissait justifier une telle émotion, je compris soudain – parce qu’elle me le dit textuellement – qu’elle était proprement bouleversée à l’idée qu’un expert la laisse parler

Quoique, dans son post-scriptum, Nelly fasse de nouveau basculer le Dr Girard dans le camp des victimes (« son courage à défendre ma cause »), il est impossible, encore, de rapporter l’intensité des sentiments exprimés au simple fait qu’elle ait enfin trouvé un expert qui la conforte dans sa demande. Car ce qui ressort de ce témoignage – comme de la plupart des autres (j’ai déjà noté que Mme K. nous proposait une « véritable épistémologie de l’expertise ») – c’est l’insistance des victimes non sur le résultat brut de l’expertise (« en repartant, je ne savais pas quelles étaient ses conclusions »), mais bien sur la méthode de l’expert : avec une finesse exacerbée par l’anxiété des expériences passés, Nelly scrute son interlocuteur (« je sentais qu’il évaluait mes réponses ») et affirme même que c’est en dépit de cette position d’analyse critique (« bien que je sentais […]) qu’elle « pouvait et osait s’exprimer »…

D’où il ressort clairement que ce que les victimes reprochent aux précédents experts, ce n’est pas leur position dubitative, voire leur évaluation défavorable, mais bel et bien leur refus forcené d’écouter (« la précipitation »), leurs préjugés manifestes (« en guise d’introduction », « les insinuations »), leur grossièreté (« les humeurs »), leur inhumanité (« les humiliations »). A quoi s’oppose, en une épistémologie de cohérence indubitable et de convergence indéniable, l’inventaire rigoureux des dispositions qui crédibilisent le travail du contre-expert : il étudie le dossier, il laisse les gens parler, les écoute, les pousse dans leurs retranchements par ses questions (preuve, s’il en était besoin, qu’il n’entend pas se laisser mener en bateau) – et par dessus tout, il n’a pas d’attente décelable (« sans pression ni jugement »).

Au terme de quoi, cette disposition à l’enquête qui conduit le contre-expert à poser des questions auxquelles personne ne s’attend, jointe à la capacité de débusquer jusqu’à l’intime (« je pouvais et osais m’exprimer, même sur des sujets très intimes »), loin d’être vécues comme torture neuro-cognitive (cf. Mme Q.) ou comme « humiliation » parmi d’autres, opère comme une maïeusis – l’art d’accoucher les âmes souffrantes – et débouche, une fois encore, sur un sentiment renouvelé d’intégration :

En repartant, je ne savais pas quelles étaient ses conclusions, mais j’avais été entendue et avais pu exister malgré ces maladies.

Et si l’art de l’expertise, c’était de donner aux victimes le sentiment d’avoir pu exister malgré leur souffrance et malgré le doute judiciaire sur la causalité de cette souffrance ?

J’avais consacré pas moins de trois pages denses (police proportionnelle, simple interligne…) à pointer les innombrables défaillances de la précédente expertise (opacité du raisonnement, bibliographie fautive et grossièrement incomplète, arguments d’autorité, méconnaissance de la réglementation, mépris du contradictoire), avant d’introduire sans précaution oratoire excessive mes dernières remarques :

En outre, le raisonnement du précédent expert frappe par son illogisme…

Ce devrait être un problème de nature à mobiliser tous nos Parlementaires que, dans un grand pays comme la France, une expertise marquée au coin de l’incompétence et de l’illogisme suffise à faire basculer un justiciable dans un désir de mort :

En ressortant, j’avais reçu son message et n’aspirais plus à vivre.

Dans l’affaire d’Outreau, on croit savoir que ce même type d’expertise – visant en l’espèce à confirmer la crédibilité des accusateurs – a malheureusement conduit l’une des personnes visées jusqu’à concrétiser ce désir de mort…

 

« Il m’avait détruite. (…) Expert en dégradation de la personne ! »

 

Je vous demande de bien vouloir m’excuser de ne pas écrire de façon manuscrite ce témoignage, ma maladie ne me permettant pas d’assurer une telle longueur.

Je certifie sur l’honneur l’exacte vérité sur ce qui suit ci-après. A la demande de Maître L., j’ai accepté de témoigner des teneurs des deux expertises que le Dr. Girard a effectuées sur mon cas, dans deux dossiers distincts. Afin de mieux comprendre mon parcours et ma rencontre avec le Dr Girard, je me propose de retracer les faits qui font que je me suis retrouvée par deux fois en présence de ce dernier. Je suis de plus ravie de pouvoir enfin faire savoir et reconnaître qu’une expertise n’est pas toujours abordée de la même façon d’un expert à l’autre et j’en ai malheureusement fait la douloureuse expérience, que je vous raconte ci-dessous :

Pour pouvoir prétendre à devenir assistante maternelle, sur la région L***, en septembre 1997, j’ai dû subir une série de vaccinations contre l’hépatite B. Dès la deuxième injection, des symptômes sont apparus et se sont aggravés à la troisième injection. Dès lors, j’ai subi des expertises et complément d’expertise, entre 1999 et 2004 pour faire reconnaître l’accident de travail, reconnu en janvier 2002, ainsi qu’une demande d’indemnisation auprès de la DGS

Habitant jusqu’en août 2000 dans *** de la France, j’ai subi une expertise et un complément d’expertise demandées par la Sécurité Sociale de L*** et du Tribunal d’Instance[30] de M***, cela à cause de mon déménagement en région parisienne. Ces expertises ont été réalisées par le Pr. W au CHRU de L***. Ces expertises étant contradictoires[31] aux yeux du Juge d’Instance du Tribunal de M***, ce dernier à demandé une contre-expertise, celle-ci réalisée par le Dr Girard.

Les deux premières expertises étaient contradictoires, dans le sens où le Pr. W n’était pas très logique dans ses rapports. Le résultat de la biopsie est revenu négatif et pour cause : j’avais subi une biopsie musculaire dans le bras gauche, alors que j’affirmais avoir été vaccinée dans le bras droit. Aucune personne dans le CHRU n’a voulu tenir compte de mon affirmation. La personne m’ayant fait la biopsie m’a même affirmé que cela n’avait aucune espèce d’importance, car disait-elle, même si la biopsie était faite dans la cuisse, on retrouverait de l’aluminium, si c’était cela qui me rendait malade ! Ils se sont enfermé dans leur logique de rapport gauche/droite, c’est-à-dire, qu’étant droitière, il était impensable que le médecin traitant m’ait vaccinée à gauche…

La réponse de l’expert fut que je n’étais pas une victime de la vaccination puisque aucune trace n’avait été retrouvée. Par contre, à la fin de l’expertise il notait qu’en effet dans le cadre de cette vaccination, on retrouvait très souvent des effets secondaires. L’expertise a durée 15 mn et pas une seule fois le Pr. W ne m’a posé de questions à moi, mais à mon mari qui m’accompagnait !!

Quelques semaines passeront durant lesquelles je devrais déménager en Seine-et-Marne. De là, je serais suivie par le Pr X*** à ***. A la lecture de mon dossier médical, celui-ci affirme ne pas comprendre les résultats de la biopsie : car d’autres examens pratiqués sur la région ***, rentraient dans le contexte des effets secondaires sur lesquels il travaillait. Je lui décris mon sentiment vis à vis de la biopsie pratiquée dans le mauvais bras, selon moi, et à ce moment, le Pr XXX est persuadé d’avoir trouvé l’explication rationnelle : je dois subir une nouvelle biopsie. Ce que je fais, et alors à ce moment les résultats reviennent positifs.

Très heureux l’un et l’autre, nous demandons à faire un complément d’expertise ayant enfin les éléments dont l’expert parlait à la fin de son rapport. Nous sommes alors en août 2001.

Mais voilà, immense à été ma surprise d’être de nouveau très mal accueillie, à la limite de la malhonnêteté. Je précise qu’à cette période, je souffrais d’un problème au genou droit qui m’empêchait de poser le pied à terre. La douleur était terrible, le genou doublait de volume et j’étais en cours de soin entre le médecin et le kinésithérapeute. Je précise que j’avais donc des cannes anglaises pour pouvoir circuler, et que j’avais amené les pièces médicales pour justifier de l’état de mon genou, au cas ou l’expert aurait pensé à une simulation. De plus, j’étais à cette période relativement déprimée, car j’avais dû subir en novembre 2000, une interruption thérapeutique de grossesse, car à la suite de différents traitements pour tenter de soigner mes symptômes, le fœtus avait un handicap sévère et les médecins craignaient que je ne puisse supporter la grossesse. Au regard de ces faits et la mort dans l’âme, je me suis résolue à faire partir ce bébé. J’ai mis trois longues années avant de pouvoir en parler sans m’écrouler.

Lors de ce complément d’expertise, que nous pensions n’être qu’une formalité, je me suis fait agresser verbalement  par le Pr W. Je ne savais pas ce qui justifiait un tel comportement de sa part. Durant l’expertise, il m’a fait asseoir, jambes allongées sur une table d’auscultation, puis me demande d’emblée  si j’avais des problèmes psychiques dans ma jeunesse. Je lui demande le rapport avec notre  sujet, et il me répond, qu’il n’arrêtait pas de rire en pensant qu’une petite fiole, contenant un produit inoffensif et en  très faible quantité, injecté dans un bras, pouvait provoquait les paralysies dont je souffrais ! Pouvais-je lui expliquer cela ? J’en ai été abasourdie et lui ai répliqué, qu’il suffisait d’une très faible dose d’arsenic pour mourir ! Il m’a alors demandé quel intérêt j’avais à simuler ? N’étais-je pas heureuse en ménage, avec mes deux petits enfants ?

J’ai constaté qu’il n’avait pas apprécié ma répartie, et de nouveau il me demande de lui ré-expliquer ce qu’il n’arrivait pas à comprendre. Je lui rétorque que c’était lui le spécialiste et donc qu’il était le mieux placé pour trouver les réponses. A ce moment, bien qu’il connaissait le problème au genou, il a posé une main sur le haut de ma cuisse puis l’air de rien, à placé l’autre main sous la cheville de ma jambe souffrante. Je ne me suis pas méfiée une seconde. En me souriant, ce qui m’a surprise de sa part, il appuie soudain très fortement sur ma cuisse en même temps qu’il soulève ma cheville.

J’ai poussé un tel cri  de douleur, qu’une infirmière est venue taper à la porte demandant si le Pr. W avait besoin d’aide ! Un claquement sec au niveau du genou s’était fait entendre au moment de son geste et je me suis mise à transpirer.

La douleur était telle que j’avais l’impression que mon cœur avait lâché. Cet expert, bien qu’il se soit rendu compte de ce qu’il m’avait fait subir, non seulement ne s’est pas excusé, alors que j’avais mis à sa disposition les preuves médicales concernant mon genou, à justifié son geste en disant que son rôle était de « traquer, je cite, les simulateurs, auxquels il était certain que j’appartenais ! » Chaude ambiance !! Je ne nie pas qu’il existe des manipulateurs et des simulateurs. Mais en général, leur dossier médical ne relève pas de dysfonctionnements !

Mais le pire était à venir et dans le genre abject on ne fait pas mieux :

Sur mon dossier médical était précisé mon ITG[32] de novembre 2000. Et voilà le plus odieux : il m’a demandé si je n’avais pas honte de vivre avec le sentiment d’avoir avorté. N’avais-je pas profité «  d’une soi-disant maladie » pour faire « partir des ennuis » ? Pouvez-vous comprendre et imaginer l’état dans lequel je suis sortie de cette expertise ? Il m’avait détruite. Pourquoi tant de grossièreté ? Ce calvaire a duré 20 mn en tout.

Qui sommes nous, nous les patients, pour tous ces spécialistes qui n’ont pas de réponses immédiates, à des problèmes médicaux, ou qui nient les faits ? Des cobayes et des porte-monnaie ! Et le serment d’Hippocrate ? Qu’en est-il ? Pourquoi à la découverte d’une nouvelle maladie, le soignant, quelle que soit sa spécialité, n’a pas toujours la Sagesse de reconnaître qu’il ne sait pas tout. Que le corps humain reste encore un mystère sur bien des points ? Le statut élevé dans la hiérarchie du monde médical ne créerait-t-il que des narcissiques ? Je me suis toujours demandé comment réagiraient tous ces soignants dédaigneux, s’il se trouvait qu’un membre de leur famille souffrait de ses symptômes dus à cette vaccination ? Useraient-ils toujours de la même langue de bois ?

Le Pr X n’en est pas revenu d’un tel comportement d’un expert et collègue, car ils faisaient partis tous deux d’un groupe de recherche nommé ***.

Mais l’explication est venue plus tard : le Pr. W ne croyait plus à la causalité de la vaccination dans l’apparition des symptômes des malades ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il avait des intérêts avec le laboratoire L***… Où est l’éthique ? N’y a-t-il pas conflit d’intérêts ? Cela est un autre débat, dont la vérité est difficile à faire valoir. Cette affirmation n’engage que moi, évidemment. Il ne faut pas oublier que le personnel hospitalier n’est pas aveugle et qu’il parle, discrètement, c’est sûr, mais il y a des médias qui eux aussi dévoilent qu’il peut y avoir anguille sous roche ! Pour de l’argent les gens sont prêts à vendre leur âme, et perdre toute dignité humaine.

Son rapport s’est tenu à un seul mot à la question posée par le Juge concernant le rapport entre mon état et la vaccination : NON. On ne peut pas plus simple! Le Juge n’a pas beaucoup apprécié cette réponse quelque peu laconique et incohérente avec la toute première expertise. Un complément d’expertise a donc été demandé par le Juge de Melun.

J’ai donc proposé le nom de Mr Marc GIRARD, expert en pharmacovigilance sur Versailles, qui m’avait été suggéré par mon avocate, Maître L.

J’avoue avoir appréhendé cette nouvelle expertise, car les précédentes s’étaient avérées désolantes pour ne pas dire minables sur beaucoup de points et particulièrement sur le plan humain.

Mon époux m’accompagnait cette fois-ci. Il n’avait pu être là pour la deuxième, et je n’ai donc que ma parole à faire valoir, mais la parole des petites gens vaut parfois plus que d’autres bien placés.

Durant l’expertise, et dès son début, le Dr Girard s’est toujours soucié de ma bonne installation. J’étais très méfiante et me demandais ce que cela cachait. Mais non, rien. Il fut simplement humain : il a pris en compte mon mari, ne le considérant pas comme un simple « taxi ». Toutes les questions étaient sensées et suivaient un ordre bien établi. Je me suis détendue, et ai expliqué la teneur des précédentes expertises subies.

Le Dr. Girard est une personne qui s’investit pour les malades qu’il rencontre. Ses dossiers sont de qualités et plus que détaillés. Pour preuve, lorsque le Juge à reçu le rapport du Dr Girard, il n’en revenait pas du travail effectué, du temps passé pour cela, et a même précisé que si tous les experts étaient aussi consciencieux et s’investissaient autant que ce dernier, bien des procès trouveraient un terme rapide.

Mon passé, mon cursus médical, toute ma vie ont été examinés avec sérieux. Mon mental et mon moral ont aussi été pris en considération.

Les deux expertises faites par le Dr. Girard ont durée pour la première  de 10h00 à 14h00 et la deuxième de 10h00 à 13h.

Jamais, le Dr. Girard n’a ne serait-ce que ricané à mes réponses. Jamais il n’a répondu au téléphone pour un appel personnel, ce qui ne fut pas le cas ailleurs ! Jamais je ne me suis sentie dégradée, jugée, salie, incomprise et surtout, surtout encore moins, prise pour une simulatrice, comme me l’a suggéré le Pr W.

Je n’ai subi aucune attaque verbale, mon mari et moi-même avons tout de suite senti le professionnalisme qui se dégageait du Dr Girard. Il y avait du respect. Respect pour la personne mais aussi pour la malade. Un souci de ne pas faire souffrir lors des examens médicaux effectués par le Dr. Girard. Il y avait beaucoup de considération dans ses gestes. S’il pensait que je simulais et s’il envisageait une expertise négative, je sais qu’il aurait eu les mêmes façons de procéder. C’est à cela que l’on reconnaît le vrai professionnel : à son intégrité. Sans vouloir encenser le Dr.Girard, je dirais de lui, que c’est une personne loyale, droite, humaine.

Je précise que c’est avec beaucoup de plaisir et d’honneur que j’ai accepté de faire ce témoignage écrit pour le Dr Girard.

Je tiens à disposition les rapports d’expertises de M. Girard. Bien qu’elles aillent dans le même sens, elles sont différentes dans leur teneur, car elles ont été faites pour des institutions différentes. De plus, le laps de temps entre les deux expertises a été long et mon état de santé s’est dégradé.

Le Dr. Girard ne mérite pas d’être spolié ainsi, ni de vivre ce qu’il subit depuis des années. Peu d’Hommes avec un grand H ont le courage de crier la vérité. Nous sommes en présence d’un homme qui s’investit pour ses patients, qui dédie sa vie au détriment de sa vie personnelle sans doute, cela j’en suis intimement persuadée. Je dénonce  farouchement cette « prise d’otage morale »  dont est victime le Dr Girard.

Cela n’est pas de la complaisance, mais il n’est pas toujours donné l’occasion de pouvoir dire nos vérités, raconter nos vécus, les tentatives d’intimidation faites par certaines personnes qui ont des intérêts dans des laboratoires. Cela devrait être dénoncé. Les pouvoirs publics sont avant tout, là , pour protéger les concitoyens et non pour se faire une place au soleil à vie !

Il faut maintenant que chacun prenne ses responsabilités et retrouve sa conscience, et il faudrait cesser de taper sur ceux qui sont intègres. La Vérité éclate toujours et il faut que ce scandale de santé publique qu’est la vaccination anti-hépatite B, soit reconnu.

Ne nous cachons plus la face, comme pour Tchernobyl, le scandale de l’amiante, le scandale du SIDA. Assumons ! Ne tirons pas sur les ambulances !

Le Dr Girard est un des piliers de la construction de cette vérité, et nous malades, en sommes le ciment. A d’autres le soin de réparer l’erreur commise envers ce pilier.

Avec l’affaire d’OUTREAU , il semble qu’une prise de conscience apparaisse. Pourrons-nous la voir apparaître pour le Dr Girard ?

Je suis très heureuse de pouvoir témoigner envers un homme qui m’a aidée à me reconstruire moralement, car c’est un homme positif et passionné par son travail et soucieux de la détresse physique et morale des malades qu’il rencontre. Il m’a redonné le courage de lutter contre ma maladie, à un moment où je doutais de tout le monde. Il m’a poussé à reprendre les activités manuelles que j’avais abandonnées, par manque de goût.

Combien de personnes peuvent affirmer, avoir eu une expertise aussi riche ? Combien de personnes peuvent affirmer sortir de chez un expert avec l’envie de re-croquer la vie à pleine dent ? Combien ?

Combien de personnes rencontrent des experts psycho-rigides, avec des œillères et ne levant pas le nez du dossier. Dossier qui bien souvent n’a pas été lu avant le rendez-vous. ! Et bien, tout cela, le Dr.Girard sait l’éviter à ses patients, et pour cela je lui en suis grandement reconnaissante, pour moi, mais aussi pour les autres « vrais »malades à qui il épargne les désillusions qui m’ont envahies, suite aux malheureuses expériences avec le précédent expert. Qui n’était à mes yeux, qu’expert en dégradation de la personne !

Fait à P***, le 9 février 2006
Emmanuelle S.

Ayant tenu à rédiger cette attestation malgré son importante infirmité, dans le contexte d’un autre drame familial exactement contemporain de ma demande, Mme S. avait joint à son envoi un lettre d’excuse :

Je m’en veux de mon retard car j’ai beaucoup d’estime pour vous et je ne veux pas que cela aille toujours dans le même sens. (…) Je suis très contente de l’avoir fait et heureuse que vous m’ayez demandé de participer à votre démarche. (…) Des mauvais moments sont revenus me hanter, principalement mon interruption thérapeutique de grossesse, et dans le contexte actuel de ma vie, ces souvenirs ont participé à ma détresse. Mais je suis fière d’avoir relevé la tête et le fait que vous m’avez toujours soutenue m’a revigorée.

La précision pointilleuse et la fidélité touchante (« il y avait beaucoup de considération dans ses gestes ») avec lesquelles cette jeune femme se remémore les détails de nos réunions m’inclinent à accorder le plus grand crédit à ce témoignage, malgré sa saisissante véhémence. Quoique Emmanuelle, dont la vie a explosé dès avant l’âge de 30 ans, ait la claire conscience de « s’être lâchée » comme elle me le dit textuellement dans sa lettre d’accompagnement, elle a, comme tous les autres, parfaitement perçu la gravité de la situation – un expert judiciaire acculé à défendre sa réputation – et la solennité de la démarche pour laquelle elle a été sollicitée :

je suis informée qu’une fausse déclaration de ma part m’expose à des sanctions pénales.

En anticipation de l’analyse annoncée pour la Partie II de cet ouvrage, il m’est facile de relever les éléments directs et indirects crédibilisant ce témoignage qui défie l’entendement. Il est un fait, par exemple, que les contradictions du précédent expert étaient suffisamment patentes pour frapper le Juge et c’est effectivement à la demande de ce dernier qu’un complément d’expertise m’a été demandé. Quoique, d’autre part, je n’aie pas été témoin de la réaction du Juge à réception de mon rapport (« il n’en revenait pas du travail effectué »), il est un autre fait que, machinalement, ce magistrat avait taxé mon expertise au tarif normalement fixé par décret en matière de sécurité sociale, à savoir 120 € ; dès lors qu’il a appris que je sollicitais la fixation d’une taxe à hauteur de plus de 3000 € en considération du travail réalisé, il s’est débrouillé avec les moyens du bord pour accéder à ma demande sans la moindre contestation (d’où il ressort, soit dit en passant, que, même fixée par les textes en vigueur, la tarification d’une expertise n’est jamais un prétexte pour faire un travail « de femme de ménage »…)

Je n’ai pas non plus les moyens de certifier les accusations graves visant le comportement sadique du Prof. W. Mais, outre que nous reviendrons, dans la suite, sur les défaillances potentiellement documentables de cet éminent universitaire, force est de reconnaître que sous l’intitulé de « torture neuro-cognitive », nous avons vu des experts – certains agréés par la Cour de cassation – se complaire à aggraver jusqu’à l’insupportable les manifestations même de la maladie qu’ils étaient censés expertiser (cf. M. F. et Mme Q.), et nous avons même relevé que cette situation était plutôt courante : quelle différence avec les accusations portées par Mme S. contre son expert ? J’ai vu, dans une autre expertise et de mes propres yeux, l’un des tortionnaires de Mme Q. – lui aussi éminent hospitalo-universitaire – s’acharner à aggraver d’autres conséquences de la même maladie en forçant un homme à décrire par le détail ses troubles de l’érection, en présence des avocates des parties – lesquelles étaient toutes des femmes.

Outre ces indices forts de crédibilité, l’attestation de Mme S. frappe par le fait qu’à elle seule, elle récapitule l’essentiel des autres et jusqu’au projet même de ce livre – puisque c’est spontanément qu’elle replonge son expérience personnelle dans le sillage d’Outreau[33]. Comme les autres victimes, Emmanuelle s’étonne de n’être ni entendue, ni même interrogée, et elle s’indigne quant à la durée éclair des expertises (« l’expertise a duré 15 min et pas une seule fois le Pr. W ne m’a posé de questions à moi » ; « ce calvaire a duré 20 min en tout »). Pourtant non professionnelle de santé, elle voit parfaitement la nullité de la performance expertale (« le Prof. W n’était pas très logique dans ses rapports ») ; elle perçoit très bien que l’agressivité et même la méchanceté de l’expert sont proportionnelles à son ignorance. A la différence des responsables de l’AFSSAPS (cf. note 14), elle a également une claire intuition des conflits d’intérêts (lesquels, pour ce qui concerne le Prof. W, sont notoires dans le milieu). Et elle ne cesse d’égrainer des considérations générales qui dépassent les limites de son cas particulier, démontrant de la sorte sa conscientisation quant au caractère exemplaire d’une expérience individuelle trop caractérisée pour ne pas renvoyer à un problème grave et profond : celui de l’expertise judiciaire dans notre pays.

En sortant de l’expertise, elle se sent « détruite » par l’expert, avec cette crudité d’expression qui conduisait le précédent témoin à confesser que dans les mêmes conditions (« en sortant »…), elle « n’aspirait plus à vivre ». Et de même que Nelly R. se percevait « inutile, sotte, sale et méprisable », Emmanuelle se retrouve, quant à elle, « dégradée, jugée, salie, incomprise » : est-ce qu’on peut inventer une convergence de vécu à ce point sidérante? D’autant que se percevant « jugée », la jeune femme renoue également avec l’expérience réitérée des autres victimes qui, d’une façon ou d’un autre, se sont senties « inculpées », voire « coupables ».

Que dire alors de ce constat – « jamais le Dr Girard n’a ne serait-ce que ricané à mes réponses » (elle dira aussi : « je n’ai subi aucune attaque verbale ») – en soi ahurissant mais, plus encore, avatar bouleversant de cet autre constat qui m’avait littéralement électrisé, conduisant directement au projet de ce livre :

A aucun moment, nous n’avons ressenti ironie ou moquerie de sa part (M. A.)

Cette première partie du livre se referme donc sur un vécu exactement superposable à celui qui l’a introduite : semblable convergence, à elle seule, suffirait à justifier mon entreprise. Mais avant de passer à la seconde partie, relevons un dernier élément de crédibilité pour cette attestation suffocante de violence :

S’il pensait que je simulais et s’il envisageait une expertise négative, je sais qu’il aurait eu les mêmes façons de procéder. C’est à cela que l’on reconnaît un vrai professionnel : à son intégrité.

Nous retrouvons là une thématique importante, que nous avons commencé de développer en commentant l’attestation de Nelly R., mais que l’on pouvait reconnaître bien avant (par exemple chez Mme J., laquelle concluait que l’expert « doit être impartial (…) ni contre l’Etat, ni pour le patient »). Dans leur dignité bafouée, ce que les victimes reprochent à leur précédent expert, ce n’est pas d’avoir rédigé un rapport défavorable à leur cause : c’est son manque « d’intégrité », c’est de ne pas s’être comporté en « vrai professionnel »…

Il nous reste à documenter ce manque d’intégrité et à identifier les causes d’un tel défaut de professionnalisme dans le monde expertal français.

[1] Il faudra un jour consacrer aux associations de victimes dans notre pays un livre équivalent à celui-ci, dédié aux insuffisances de l’expertise judiciaire française.

[2] Girard M. L’environnement, facteur tératogène pour l’expertise. Juris-Classeur, Environnement 2004 ; n° 4 : 9-11

[3] Le prénom a été modifié.

[4] Au cours d’une émission publique, je retrouverai un jour comme contradicteur l’un des auteurs de ce pré-rapport, le mettant facilement en échec sur cette question pourtant fondamentale, avant de le conduire à avouer froidement : « je ne connais pas les chiffres, mais je sais qu’ils ne sont pas significatifs »…

[5] On notera le subtil balancement entre le terme « compréhensible » et celui de « pertinent », a priori contradictoires : si la victime a besoin qu’on lui explique (« compréhensible »), de quel droit s’autoriserait-t-elle à juger la « pertinence » des questions qui lui sont posées ? En fait, nous sommes là au cœur du drame humain qui conduit une victime à la plainte : la conviction d’avoir été trompée (on ne lui a pas fait comprendre des éléments pourtant essentiels à sa représentation du problème) tandis qu’elle n’a jamais eu le sentiment d’être écoutée lorsqu’elle avait quelque chose de pertinent à dire.

[6] Dans un article inspiré par l’histoire de François M. et daté du 17/11/05 (soit de quatre ans postérieur), les nouveaux responsables de la même association vont jusqu’à affirmer : « nous n’avons pas de preuves scientifiques à proprement parler ». Avec des contributions d’associations de victimes aussi percutantes (j’en ai vu malheureusement bien d’autres du même acabit – qu’elles soient techniques ou judiciaires), les fabricants devraient pouvoir économiser les frais d’avocats…

[7] Un parallèle permet d’apprécier le sérieux des innombrables experts qui, à la suite de la DGS, ont tenté d’accréditer que passée une fenêtre chronologique de 2 mois après l’injection, la responsabilité du vaccin ne pouvait plus être évoquée dans la survenue d’une sclérose en plaques. Aux USA, où la sclérose en plaques a été incluse dans l’éventail des complications susceptibles d’affecter les vétérans de la première guerre du Golfe, la survenue d’une telle maladie ne doit pas excéder de plus de sept ans le retour à la vie civile pour justifier l’examen d’un dossier d’indemnisation : et il se trouve d’excellents spécialistes pour estimer, à juste raison, que ce délai de 7 ans est lui-même trop limitatif pour caractériser la cause d’une sclérose en plaques… Rappelons que, même si la DGS s’obstine à l’ignorer devant les juridictions administratives, les experts de l’AFSSAPS ont fini par admettre le caractère fantasque de cette trop fameuse « fenêtre chronologique » de deux mois qu’ils ont pourtant longtemps contribuer à accréditer.

[8] Rappelons que l’ampleur de ces « explications générales » est justement l’argument clé de la DGS pour contester la rémunération de mes expertises.

[9] Comme dans le cas de Mme D, l’histoire de Colette E. était d’une grande complexité chronologique ; elle soulevait, de plus, d’importantes difficultés réglementaires, puisque une part des vaccinations incriminées était antérieure à la modification du Code de la Santé publique les rendant obligatoires chez les professionnels de santé.

[10] Outre leur fatigue écrasante, les troubles de la mémoire et de la concentration présentés par ces patients rendent parfois l’entretien assez laborieux : ils cherchent leurs mots, ne se rappellent plus ce qu’ils ont dit quelques minutes auparavant, etc.

[11] La Cour me faisait notamment reproche d’avoir dénoncé les liens des experts du collège et les fabricants : je n’avais fait que documenter, sans la moindre ambiguïté, les liens entre les « experts » de l’administration sanitaire française et les fabricants. Mais c’était avant l’affaire Vioxx et un spécialiste du médicament évoquant le spectre des conflits d’intérêt ne pouvait être qu’un dangereux fumiste… C’est sans doute en référence à cette situation que Marie H. éprouve le besoin d’attester que mon travail « était dans le respect absolu de la déontologie ».

[12] Comme je l’expliquais, non sans ironie, devant une autre instance où l’un des fabricants avait ensuite tenté d’exploiter cette situation pour me décrédibiliser :

Le Dr Girard se trouve désormais probablement le seul technicien de toute l’histoire de l’expertise dont les évaluations de causalité prospèrent après l’annulation de ses rapports…

[13] Nous savions par Mme G. qu’en plus, il fait ça poliment : « contrairement à la première expertise, j’ai été très bien reçue ».

[14] Sciences et Avenir, déc. 2005 : p. 58. Ils ne le sont peut-être pas tous, mais au moment où, avec des années de retard sur les pays anglo-saxons, la France prend enfin conscience des conflits d’intérêt et de leurs conséquences dramatiques en termes de santé publique, la communication de l’AFSSAPS pourrait avoir d’autres priorités que la négation brute du fait. Quelques mois auparavant, au cours d’une émission radiodiffusée avec un expert de l’AFSSAPS que j’avais sommé de révéler ses liens en préalable à son intervention (je savais qu’ils étaient particulièrement denses dans son cas), je me vis reprocher ce souci pourtant élémentaire, carrément comparé par mon interlocuteur à l’obsession « antisémite »…

[15] Rappelons de plus que cette expertise, si défectueuse soit-elle, a généralement été à leurs frais : il faut y réfléchir à deux fois avant d’en réclamer une seconde – surtout lorsqu’on est en invalidité professionnelle…

[16] L’anamnèse est l’histoire de la maladie telle qu’on peut la reconstituer en interrogeant le patient ou son entourage.

[17] Alors même que cette évaluation du dommage se trouve généralement au cœur de mission expertale, elle est bizarrement négligée par les experts, conduisant par contraste les victimes à célébrer le contre-expert qui s’attache à « préciser les conséquences actuelles et futures de mon atteinte » (Mme I.) ou encore « ce que je suis devenue depuis [ma maladie] dans tous ses aspects » (Melle L.)

[18] Pour le fameux Grévisse (Le bon usage), « le passé simple peut s’employer (…) pour exprimer une vérité générale, un fait d’expérience, un aphorisme » et il vise à marquer « la portée générale de la pensée » : on ne saurait mieux dire.

[19] Mme Q. ayant gagné au civil en première instance et en appel (avant que ce dernier arrêt ne soit cassé par la Cour de cassation), elle fait ici allusion à l’expertise d’évaluation du dommage, ordonnée par les Magistrats pour fixer l’indemnisation des préjudices.

[20] Quitte à plaider que leur responsabilité ne dépasse pas celle d’une « femme de ménage » pour les rares qui seront un jour pris la main dans le sac de leur incompétence ou de leur méchanceté.

[21] Il n’y a aucune raison pour qu’une maladie causée par un médicament mime avec précision une pathologie « naturelle » et, dans mon expérience, les complications iatrogènes se présentent souvent sous des formes inhabituelles dont l’atypie est hautement évocatrice d’une causalité toxique.

[22] Sans contester le moins du monde le diagnostic de sclérose en plaques, les experts évalueront le pretium doloris (le prix de la douleur) à 1, soit le plus faible niveau sur l’échelle classique qui va jusqu’à 7 au maximum (on accorde ça pour quelques points de suture) ! On peut se demander si la séance d’expertise, à elle seule, ne valait pas une cotation déjà supérieure en matière de douleur morale… Il est un fait, en tout cas, qu’encore six ans après, la requérante en parle avec une bien évocatrice horreur.

[23] Au moment de l’expertise, Mme Q était traitée par interféron depuis plus de deux ans : on n’imagine pas que ce traitement, dont l’opportunité n’est d’ailleurs pas contestée par les experts et qui coûte au bas mot mille euros par mois à la Sécurité sociale, visait une sinusite…

[24] De la même façon qu’à l’inverse, c’est avec une immense compassion que j’ai entr’aperçu les trop nombreux drames de couple provoqués par les complications du vaccin.

[25] On note que la définition du terme « anamnèse » employé par le Dr N. dans un contexte similaire (cf. note 16) inclut explicitement l’interrogatoire de l’entourage.

[26] Dans l’appel téléphonique auquel j’ai fait allusion, Mme D. était encore plus explicite et louait textuellement l’expert pour lui avoir redonné les clés de son passé à elle : « je me demande comment vous avez fait pour tout reconstituer : vous vous y repérez mieux que moi ! »

[27] Pour « violation du secret de l’instruction », sur plainte de l’un des fabricants alors strictement tiers dans ladite instruction.

[28] Sclérose en plaques.

[29] Nelly faisait partie de ces professionnels de santé qui, frappés trop tôt et trop durement dans leur chair, vivent la maladie comme une sorte d’humiliation, une épreuve qui les fait basculer du camp des soignants à celui des soignés.

[30] Sauf erreur, il s’agissait en fait du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

[31] Comme précisé au paragraphe suivant, Mme S. veut dire ici : « incohérentes », et non pas contradictoires au sens juridique du terme.

[32] Interruption thérapeutique de grossesse.

[33] Madame S. n’avait évidemment aucun moyen de connaître la teneur des attestations qui avaient précédé la sienne. Elle ne pouvait non plus être informée de mon projet de livre, lequel ne m’est venu que secondairement, en constatant la stupéfiante convergence de tous ces témoignages.