Quand le dérangement vaque des jambes à la cervelle

Quand le dérangement vaque des jambes à la cervelle

 

Je reçois d’un lecteur que je ne connais pas le message suivant.

La brutalisation du patient par quelques médecins à courte vue

Pour paraphraser votre prose, dans le sac de nœuds qu’on appelle « Internet », le point de départ de ma réflexion est un événement raisonnablement local, à savoir, il y a quelques années, votre charge contre la maladie d’Ekbom ou syndrome des jambes sans repos.


Eu égard à l’obligation de neutralité qui s’impose aux médecins, votre position de l’époque est tellement inconcevable qu’on ne sait pas par quel bout la prendre encore aujourd’hui. Je n’évoque pas votre position sur l’emprise des laboratoires, que je partage, mais sur cette maladie dont vous avez nié la réalité et dont vous avez fait le moyen de votre plaidoirie.

Oui, nous sommes plus de 10 ans après votre pamphlet contre une maladie dont vous ignoriez tout, au point de vous obstiner à la confondre avec un trouble de la circulation… Le danger d’avis obscurantistes comme le vôtre a fait long feu en ce domaine, heureusement, cette maladie est bien connue désormais, reconnue par le corps des neurologues en particulier et fait l’objet de nombreuses recherches.

Dans cette charge minable qui n’est qu’une resucée de celle que profère tous les acharnés à une cause, au motif de faire barrage aux politiques des labos, votre tour de force aura été d’accréditer qu’il n’y a rien à voir, circulez, v’là une maladie inventée par les malades et leur association à la solde des marchands.

On finit par se dire que la seule issue serait d’interdire aux médecins non compétents de prendre la parole sur les sujets dont ils ignorent tout, par souci d’hygiène. D’une façon générale, rendre illégale la prise de position sans mandat assainirait notre environnement en réduisant les émanations nocives et la pollution numérique. Qu’en pensez-vous ?

Car c’est un autre vice de l’époque que de voir tant de couillons adhérer à ces théories du complot, dans lesquelles le vrai comploteur est le lanceur d’alerte lui-même, prophète de pastiches et mélanges, qui finit par confondre ses remontées biliaires avec une vérité scientifique…

Heureusement, il nous reste le choix éthique, l’esprit de recherche et… la vraie littérature.

J’espère que vos vieux jours vous préservent du SJSR !

Subsidiairement, je ne déteste pas vos articles, mais comment être informé d’une nouvelle contribution ?

 

Andrei

 

Ce n’est pas que je sois indisposé par le parti-pris insultant de mon contradicteur (j’en ai vu d’autres dans ma vie…), mais il me semble distinguer dans ce message une tonalité dont l’analyse est fort pertinente du point de vue qui est celui du présent site : la médicalisation.

On note d’abord des bizarreries qui semblent être en rapport avec les limites intellectuelles de l’intéressé. Je ne vois pas ce qu’il y a de « local » dans ma prose, je ne suis pas informé de quelque « obligation de neutralité » qui s’imposerait aux médecins, je n’ai pas la notion que les post de mon blog s’apparentent à quelque « plaidoirie » que ce soit, je me demande de quel « mandat » je me suis prévalu, ou à qui s’adresse mon « pamphlet », etc.

À côté de ces points qui relèvent d’une certaine culture générale, on ne manque pas d’être frappé par un manque de suite dans les idées : ma position sur les labos exprimée ne serait qu’un « sac de nœuds », mais qu’il « partage » – sans préciser sur quel fil il va finir par tirer…

Je ne doute pas que le « syndrome des jambes sans repos » soir une maladie bien reconnue désormais par le corps des neurologues et qui a fait l’objet de nombreuses recherches dont j’aimerais avoir l’inventaire pour en faire l’analyse critique dans une optique de médecine fondée sur les faits (evidence-based medicine). Pour faire bonne mesure, je relève que la neurologie n’est pas « un corps » mais une spécialité médicale parmi d’autres et je me demande dans laquelle mon interlocuteur classe la « phlébologie » qui est pourtant la spécialité dont j’avais tiré, avec mes confrères phlébologues, mon savoir sur les « troubles de la circulation » dont pourtant j’ignore tout : c’est sûr qu’avant de « plaider » sur les « troubles de la circulation », je n’ai pas cherché l’information chez les spécialistes de parasitologie…

Bon, je passe pour ce tissu d’âneries grandiloquent (« maladie d’Ekbom » ça fait plus savant que « jambes lourdes »). Qui divague jusqu’à « la recherche », « l’éthique », « la littérature » – pourquoi pas la théologie et le chant grégorien…

Mais le pompon, c’est que le gars me demande comment être informé de mes articles. Pompon double, en vérité : 1/ il cherche son information auprès d’un obscurantiste irrécupérable ; 2/ il n’a pas compris les modalités d’abonnement à ma Newsletter

Bref et pour résumer : on a là l’hypocondriaque typique (je ne serais pas étonné qu’il collectionne les Vidal pour être informé de toutes les maladies imaginables et pouvoir critiquer leur prise en charge par les charlatans dont il doit être un des abonnés les plus fidèles. Plutôt que de se contenter modestement du concept de « jambes lourdes », il a besoin de nommer (car nommer, c’est connaître, comme on dit) et de collectionner les avis, pour ne pas choisir, justement. On voit ça dans les prétoires avec ces plaignants qui collectionnent les avis, mais dont ils ne font jamais rien sinon alimenter leur bile et attirer l’attention.

Avec des cons comme ça, la médecine-internet – Medscape, Doctissimo ou l’équivalent – a encore de beaux jours devant elle…