Décroissance et féminisme

Décroissance et féminisme

Quoi qu’on en dise, l’idée de décroissance s’impose : tout citoyen (càd en gros : tout le monde) doté d’un QI supérieur (même légèrement) à celui de nos dirigeants et des journalistes qui relaient leurs sornettes sur la croissance comprend sans difficulté qu’il n’est pas possible de tirer d’un monde fini comme le nôtre des ressources inépuisables. Les élites qui nous gouvernent emmènent à la catastrophe sont comme ce paysan borné qui voulait enseigner à son âne de ne plus manger : il était sur le point de réussir quand ce con d’animal est mort !

Il y a pourtant un paradoxe même chez les plus subtils précurseurs/promoteurs de la décroissance (Castoriadis, Latouche pour ne citer qu’eux) : tous mettent le féminisme au premier rang des causes à défendre – situation d’autant plus paradoxale qu’en parallèle, Castoriadis a des propos sans concession sur l’illimitation féminine :

Disons en passant, contre une certaine démagogie du féminisme contemporain, que nulle part cette ambivalence n’est si grande qu’entre mère et fille, qu’aucune haine entre fils et père n’atteint l’intensité, la destructivité, la morbidité et la cruauté que la clinique nous montre si souvent entre mère et fille. Constatation qui conduit à un certain scepticisme devant l’idée selon laquelle ce sont toujours les hommes qui ont introduit la haine, la violence et le mal dans l’histoire de l’humanité, les femmes ayant toujours été du côté de l’amour, de la douceur angélique, etc.[1]

De fait, je l’ai suffisamment écrit, à la différence de l’homme qui la perçoit dans son corps, la femme ne connaît pas la limitation : malgré ses vantardises ou ses fantasmes, le premier sait très bien qu’il ne peut pas bander tout le temps, alors que la seconde peut réclamer tout le temps. La seule limite de la femme, c’est l’homme (c’est probablement la seule chose intelligente que j’ai lue sous la plume de Lacan).

Ma question n’en devient que plus pressante : par quelle étrange fragilité les plus vaillants combattants de cette lutte vitale qu’on appelle décroissance se placent-ils si spontanément sous le leadership moral et intellectuel des femmes ?

Vaste question sur laquelle la compétence psychanalytique de Castoriadis (qui n’a pas été le plus spontanément protégé contre les égéries de Lacan) nous fait cruellement défaut : qu’est-ce qui pousse l’homme à abdiquer son intelligence pour se soumettre aux slogans féministes dont la charité impose de ne pas dire qu’ils sont souvent débiles ? Qu’est-ce qui pousse l’homme à se soumettre devant la femme ?

 

 

[1] C. Castoriadis, Une société à la dérive, Le Seuil, 2005, p. 155-6.