Vaccination antigrippale : grâce aux pharmaciens, le masque tombe

RÉSUMÉ – Dans les lignes qui suivent, on commente la récente décision parlementaire d’autoriser les pharmaciens à pratiquer la vaccination antigrippale. La réflexion s’organise autour d’un triptyque simple, caractérisant la démarche médicale: i/ recherche des indications, ii/ reconnaissance des contre-indications, iii/ suivi du traitement.


De même que les actes manqués du quotidien peuvent en dire plus sur votre inconscient qu’une longue (et coûteuse) psychanalyse, il arrive que certaines décisions politiques d’apparence anodine, voire anecdotique, en disent plus sur la corruption du système que la médiatisation d’un scandale ou la publication d’une enquête. C’est exactement ce qui est en train de se passer avec la récente décision1 d’autoriser les pharmaciens à vacciner contre la grippe.

Historiquement, il a fallu un certain temps pour qu’apparaisse la nécessité de séparer la profession de pharmacien et celle de médecin : comme tous les médecins de son temps, Hippocrate distribuait ses préparations médicinales à ses patients tandis que Galien, le patron des pharmaciens, était lui-même médecin. Je n’ai pas personnellement connaissance de travaux portant spécifiquement sur cette séparation, mais il est vraisemblable qu’elle a résulté d’une division des tâches liée aux contraintes pratiques de chaque profession : collecte des matières premières, préparation et conservation pour les pharmaciens (lesquels ont eu besoin d’un certain temps pour se voir distinguer des épiciers – à une époque où les épices occupaient une place importante dans la pharmacopée), reconnaissance et interprétation des signes pathologiques, décision et suivi de traitement chez les médecins.

L’inconscient derrière la décision

À l’heure actuelle et sans théoriser pour le plaisir, on peut caractériser l’essentiel de l’acte médical (au moins « idéal »…) par la séquence : i/ recherche des indications2, ii/ reconnaissance des contre-indications, iii/ suivi du traitement administré si la recherche d’indications a débouché sur une prescription.

En référence à cette séquence basique, que nous dit la récente décision des députés visant à déléguer aux pharmaciens le droit de vacciner contre la grippe3 ?

Recherche des indications

Avec les vaccins antigrippaux, il n’y a pas d’indication : tout le monde – des bébés aux vieillards – est justiciable d’un tel vaccin. La raison ? La grippe est une maladie terriblement dangereuse, pour tout le monde et à tout âge : tout le monde sait qu’à l’époque où l’on ne vaccinait pas – c’est-à-dire jusque voici pas très longtemps –, les gens tombaient comme des mouches à chaque hiver – les enfants surtout… Avec une racaille comme les virus de la grippe, on en reste pour l’instant au karcher – tout en gardant présente à l’esprit l’option du lance-flamme.

Reconnaissance des contre-indications

Avec les vaccins antigrippaux, il n’y a pas de contre-indication. Comme le savent tous les diabétiques, même le sucre n’est pas indiqué chez tout le monde : mais avec les vaccins contre la grippe (et l’accumulation des réactions immunitaires durables année après année), il y a moins de contre-indication qu’avec le sucre.

Suivi du traitement

Dans son principe, le suivi médical d’un traitement a une double justification : i/ vérifier l’efficacité ; ii/ surveiller les effets indésirables. Dans la mesure où ces deux objectifs requièrent un minimum d’exercice de la médecine évidemment interdit aux pharmaciens, l’immunisation en officine implique nécessairement que :

  • les vaccins antigrippaux sont systématiquement efficaces (ce sont d’ailleurs les seuls médicaments dotés d’une telle propriété) ;
  • les vaccins antigrippaux n’occasionnent JAMAIS aucun effet indésirable (ce sont également les seuls médicaments dotés d’une telle propriété) : ceux qui se fondent sur les bases de données existantes (VAERS, Pubmed…) pour insinuer le contraire sont des complotistes au service des « lobbies » antivaccinaux.

Le démasquement

L’incongruité de la décision prise par les députés – qui comptent dans leurs rangs pas mal de professionnels de santé – se renforce de deux circonstances.

  • Grâce, entre autres, à l’obstination de la fondation Cochrane, aucune vaccination n’a fait l’objet d’une réfutation aussi argumentée que celle contre la grippe saisonnière. Déjà très problématique, l’intérêt des vaccins antigrippaux tel qu’évalué au terme de ces méta-analyses est, de plus, largement surestimé pour au moins trois raisons :
    • comme les auteurs de la fondation Cochrane en font régulièrement le constat, les études disponibles ont grossièrement ignoré la question des effets indésirables (sur le court terme, a fortiori sur le long terme) ;
    • comme le savent ceux qui suivent les travaux de cette fondation, celle-ci n’a que récemment conscientisé l’abîme qui sépare les données brutes et celles, nettement améliorées, qui sont présentées dans les rapports d’étude (a fortiori dans les publications), et le bilan reste à faire de toutes ces falsifications ;
    • alors que l’époque tend à conditionner les progrès de la santé publique à des immunisations toutes plus incongrues les unes que les autres, personne ne semble s’être avisé que dans leur récurrence périodique, les infections grippales ressemblent furieusement à une épreuve de restimulation immunitaire dont la persistance au cours du temps suggère un intérêt évolutif majeur : à l’heure actuelle – et à supposer que les vaccins antigrippaux aient un minimum d’efficacité au moins dans certaines sous-populations – peu de gens semblent s’être sérieusement interrogés sur l’inconvénient de contrarier un tel processus naturel de restimulation.
  • Pour scandaleuse qu’elle apparaisse ainsi, l’injustifiable obstination des politiques à favoriser coûte que coûte une vaccination aussi problématique se conjugue parfaitement avec le refus contemporain de dérembourser les anti-Alzheimer dont l’inefficacité saute pourtant aux yeux4.

Conclusion

« Quelles recommandations ferez-vous pour améliorer la confiance dans la vaccination ? » demande la « consultation » nationale lancée en septembre 2016. J’en vois au moins deux :

  • éviter de prendre les gens pour des cons5 ;
  • éviter de privilégier des intérêts privés – incluant éventuellement les siens propres – au détriment du Bien public.
  1. Le Monde, 19/10/2016 : il suffit de lire les réactions des lecteurs pour prendre la mesure de la placidité avec laquelle le public accueille cette décision.
  2. En admettant que le diagnostic participe de la recherche d’indication pour un éventuel traitement, et que l’abstention thérapeutique (« ça va passer tout seul » ou « il n’y a rien à faire ») est une option parmi d’autres dans cette recherche.
  3. Il va de soi que la portée des remarques qui suivent de renforce de la volonté d’autoriser, cette fois, les infirmiers à vacciner; elle s’en renforce d’autant plus que cette autorisation s’élargirait à d’autres vaccins que ceux contre la grippe. Il suffit de feuilleter n’importe quel manuel d’enseignement destiné aux infirmiers pour prendre la mesure de la formation qui leur est donnée en matière de vaccins…
  4. Pour mémoire, j’ai commencé à travailler sur les anti-Alzheimer à la fin des années 1980, à un moment où, malgré son inefficacité déjà évidente et ses risque majeurs, la tacrine était le médicament chouchou des autorités, des « experts » en gériatrie et… des associations (notamment celles subventionnées par les fabricants) : ai-je besoin de commenter la portée de ce précédent désastreux ? Le jour même de la présente mise en ligne (02/11/16), Le Figaro publie un article sur un nouvel anti-Alzheimer “potentiellement prometteur et sans effets toxiques”: on croit comprendre que les “résultats” disponibles concernent un effectif total de… 32 patients – d’ailleurs “modérément” atteints…
  5. Vous remarquerez que dans le mot « consultation », on entend distinctement « sultation ».