Pharmacovigilance vaccinale : un second précédent non moins inquiétant…

La “transparence” à l’oeuvre

Les internautes apprennent vite – souvent davantage que les experts du ministère, fussent-ils “excellents” (ou que les magistrats “spécialisés” en charge de sanctionner les manquements à la loi…)

  • Ils ont vite compris, eux, l’importance du développement pharmaceutique et l’enjeu de l’autorisation de mise sur le marché.
  • Ils avaient parfaitement saisi le problème des conflits d’intérêts et la signification de la loi qui impose un minimum de transparence à cet égard.
  • Il ne leur a pas fallu longtemps pour savoir que si on voulait des informations (même tronquées) sur la vaccination antigrippale, il valait mieux se reporter aux rapports publics d’évaluation de l’Agence européenne qu’écouter les “experts” qui n’ont même pas eu la décence d’en prendre connaissance.
  • Depuis quelques semaines, ils apprennent à reconnaître la facilité avec laquelle on peut transformer en mascarade l’impératif pourtant légal de la pharmacovigilance. Et ils se rendent compte que leur administration sanitaire est passée maître à ce petit jeu : il faut dire qu’elle n’en est pas à son coup d’essai…


Pour une bonne part, le job de la pharmacovigilance (étude des effets secondaires des médicaments) consiste à : 1/ enregistrer des observations individuelles de réactions sous traitement; 2/ évaluer la causalité de ces réactions relativement au traitement en question.

Il s’ensuit que si on veut tout falsifier, il y a au moins deux méthodes faciles et éprouvées :

  1. ne pas enregistrer les observations de réactions;
  2. nier la causalité médicamenteuse sous tous les prétextes, fussent-ils mensongers.

Pour ne pas enregistrer les observations, il existe plusieurs méthodes (stimuler la sous-notification, ne pas documenter les cas, etc.) ; mais l’article 94 a illustré celle qui correspond à la falsification la plus caractérisée : enregistrer le contraire de ce qui a été notifié – à savoir en l’espèce une pathologie non démyélinisante quand elle était démyélinisante à l’évidence (et que de cette question, l’Agence a fait un enjeu central). 1

Le présent article va illustrer le même esprit de falsification, cette fois appliqué à ce qu’on appelle le “diagnostic étiologique” – à savoir la recherche d’une cause lorsque survient un accident chez quelqu’un qui reçoit un médicament.

Comme je l’ai documenté ailleurs (cf. 21), il s’avère que très rapidement après le lancement de la campagne de vaccination contre l’hépatite B à la fin de 1994, les données de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) vont montrer une augmentation des demandes de prise en charge en affection longue durée (ALD) pour sclérose en plaques “sévère”, alors que ces demandes étaient relativement stables les années précédentes : par rapport à 1990 (année de référence précédant l’obligation faite aux professionnels de santé de s’exposer à cette vaccination), l’augmentation est de 8% en 1995, de 32% en 1996 et elle atteindra 67% en 2001.2

Malgré l’étrangeté d’une augmentation aussi nette et datée concernant une pathologie neurologique dont l’incidence est normalement réputée très stable dans le temps, l’administration va faire preuve d’une indifférence non moins étrange durant des années. Mais en 2001, dans les premiers rapports d’expertises qui m’ont été commandités sur ce vaccin, j’aborde cette question quasiment méconnue jusqu’alors pour en faire un argument de causalité parmi d’autres.

La réponse de l’administration ne va pas tarder. Dès février 2002, à l’occasion du “rapport Dartigues” qu’elle a commandité, il y est soutenu que cette augmentation n’est qu’un artefact lié à la mise à la disposition des malades de nouveaux médicaments, les interférons bêta, dont le coût très élevé leur aurait imposé de solliciter une prise en charge en ALD. Elémentaire, mon cher Watson

Ce qui est intéressant pour notre propos, c’est que cette explication à tout le moins expéditive et aucunement référencée va être immédiatement – et durablement – reprise par tous les experts français qui jugent bon de s’exprimer sur le sujet, par la CNAM, par tous les sous-fifres médicaux excités de la seringue et même… par les associations de malades (il suffit de se reporter sur leurs sites).

Quant à l’idée – saugrenue – d’aller simplement vérifier le fait, elle ne semble avoir traversé l’idée d’aucun des susmentionnés. Or, vérification faite, il s’avère que le premier interféron bêta n’aura été introduit sur le marché qu’à la fin de 1996 et que, sur cette première année, pas plus de 300 patients n’en auront bénéficié.

Il est donc extrêmement difficile de comprendre comment un traitement distribué à un maximum de 300 personnes (dont, nécessairement, une bonne partie avaient vu leur sclérose en plaques débuter avant 1995) peut rendre compte d’une tendance qui, sur les deux seules années 1995-96, s’élève déjà à près de mille patients…

La morale de cette histoire est double :

  1. lorsqu’elle est confrontée aux conséquences iatrogènes de ses décisions, l’administration sanitaire n’a aucun scrupule à mentir effrontément ;
  2. dans son immense majorité, le corps médical français – généralistes et spécialistes confondus – gobe sans piper mot les pires mensonges pour autant qu’ils soient relayés par quelques “leaders d’opinion”.

Cela n’est pas très rassurant à un moment où, empêtrée dans son incompétence et confondue par ses mensonges éhontés, l’administration sanitaire française tend la main aux généralistes pour tenter une sortie…

  1. Ce cas ayant été communiqué aux autorités par l’intermédiaire d’une association de victimes, on s’interrogera au passage sur le paradoxe que loin de dénoncer une falsification aussi préoccupante, celle-ci continue à célébrer l’excellence de sa “collaboration scientifique” avec les autorités : dans la famille “j’adore la farine, surtout quand on m’y roule”, je demande le REVAHB…
  2. Premier indice d’une tendance beaucoup plus lourde que j’ai déjà analysée, à savoir qu’en quelques années, le nombre recensé de scléroses en plaques dans notre pays va passer de moins de 25 000 à plus de 80 000 – sans qu’une évolution aussi spectaculairement tragique ne justifie, chez les autorités sanitaires, la moindre investigation sérieuse.