Médiator: post-scriptum n° 2

“Renforcer la pharmacovigilance”

Au moins aussi crédible que Météo France en ce dur mois d’hiver, mon premier bulletin consacré à la micro-tempête Médiator s’était interrogé sur le rapport entre la médiatisation démesurée de cette histoire et le vote récent par le Parlement européen d’une nouvelle directive de pharmacovigilance que je n’ai cessé de dénoncer. De fait, on constate depuis que sous la houlette de l’excellent Xavier Bertrand (Le Figaro, 19/12/10), tous les jobards se regroupent derrière un seul et même slogan: “renforcer la pharmacovigilance”.

Or, à l’exclusion de toute réflexion profonde quant aux échecs réitérés du système et à leurs causes, quel est le leitmotiv de cette directive scélérate? Renforcer la pharmacovigilance… Tiens donc? On voudrait nous convaincre que le Parlement de Bruxelles a pris le bon cap dans la tempête qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

La réalité, c’est que n’en déplaise à d’aucuns qui ne craignent pas de ramener le réel à leur seule ingénuité, cette pharmacovigilance n’en est pas qu’à son “deuxième” échec: depuis qu’elle s’est réglementée dans le courant des années 1980, elle n’a jamais fonctionné – et elle ne fonctionnera jamais pour la bonne et simple raison qu’elle a été conçue en dépit du bon sens1. Sur la vague promesse d’une pharmacovigilance “renforcée”2, la nouvelle directive européenne vise simplement à justifier un relâchement des obligations bien plus contraignantes et bien plus coûteuses au moment du développement clinique (avant l’autorisation de mise sur le marché): force est de constater que la scandaleuse démission des Parlementaires devant le lobby de l’industrie pharmaceutique est providentiellement servie par la démesure médiatique organisée autour de l’affaire Médiator3

  1. Girard M. Data quality in post-marketing surveillance. Adv Drug React Ac Pois Rev 1986;2:87-95.
    Girard M. Post-marketing surveillance: an art or a science? Drug Inf J 1986;20:347-349.
  2. Et alors même que la directive est introduite par un argumentaire indigent visant à justifier que les contraintes actuelles de la pharmacovigilance (notamment celles des rapports périodiques de tolérance) sont d’ores et déjà trop lourdes pour les fabricants, sans que personne, apparemment, ne s’avise de la contradiction consistant à réclamer un allègement des obligations qui leur sont faites sous le prétexte d’un “renforcement”!
  3. Rappelons que, pourtant mesure phare du précédent “renforcement” de la pharmacovigilance, le fameux “plan de gestion des risques” a été introduit en remède présumé au scandale de “l’affaire Bayer”, au début des années 2000: depuis, on a vu le résultat…