P – « Il s’est assoupi devant moi sur mon dossier »

« Suite à mon accident vaccinal, j’ai été soumise à 5 EXPERTISES.

Ma première expertise ne s’est pas bien passée.

Le Dr C*** a tout d’abord refusé que je sois accompagnée d’un témoin.

M’ayant convoquée vers 19H, après sa journée de travail, il s’est assoupi devant moi sur mon dossier.

Il a réagi violemment lorsque j’ai toussé pour le réveiller ; il ne m’a pas examinée, m’a demandé de lui laisser mon dossier afin de l’étudier, sans me poser des questions sur mes antécédents médicaux ce qui lui aurait évité de nombreuses erreurs dans son expertise.

Cet expert a même demandé au Dr T*** qui me suivait à l’HOTEL DIEU de retirer de mon dossier un CERTIFICAT MEDICAL RELATANT MON ACCIDENT VACCINAL. (Destruction de preuves)

Ce document est en ma possession.

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Ma contre-expertise avec le Dr GIRARD se déroula différemment.

Il m’a accueillie avec ma famille, acceptant la présence de ma Marraine et de mon Avocate, lors de notre entretien.

Pendant 2 heures il m’a écoutée, m’a questionnée sur mes antécédents médicaux, sur les maladies de mes parents, de mes frères et soeurs, sur ma vie professionnelle, mes loisirs avant ma vaccination ; pour étayer mes dires il a compulsé mes nombreux dossiers (examens divers, laboratoires, compte-rendu d’hospitalisation, etc.)

Pour la première fois je me sentis en confiance et prise au sérieux.

Pour la troisième expertise, je me suis rendue à T***, avec mon Médecin traitant, convoqué par le DR ***.

Il n’avait presque pas de documents me concernant alors que la CPAM avait un épais dossier.

Peu d’échange, mais surtout un cours sur les bienfaits de la vaccination.

Le résultat de cette expertise dont j’ai reçu un exemplaire, tient en une ligne.

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Ma 5ème expertise, par le Professeur C*** à TOURS, s’est bien déroulée, j’étais assistée de mon AVOCATE.

Le Professeur avait pris connaissance de mon dossier, et lors de notre entretien en présence de mon Avocate il a apprécié le travail de recherche du Dr GIRARD.

La conclusion du Pr C*** se rapproche de celle du Dr GIRARD.

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L’expertise pour un être humain qui souffre est une rude épreuve, elle est stressante, déstabilisante et paralysante, elle replonge sans arrêt la victime dans ses épreuves, moi j’en ai subi 5…

Merci au Docteur GIRARD pour son écoute, sa mise en confiance et ses recherches. »

A T***, le 16 janvier 2006

Sylvie P.

Si la série d’attestations présentées dans ce livre s’arrêtait à la précédente (celle de Mme O.), elle suffirait largement à documenter un problème à tout le moins significatif dans le monde expertal français. A cet égard, cependant, les témoignages cités jusqu’à présent valent surtout, comme je l’ai souligné en Introduction, par ce qui se dégage en creux du portrait de l’expert en héros : si, après expérience des autres, celui-ci se dégage à ce point comme un superman de l’expertise, c’est forcément qu’il y a eu problème avant – la fermeté du contour tenant tout particulièrement à la récurrence frappante de certains thèmes qui ne peuvent pas tous avoir été inventés. Certes, les témoins précédemment cités se sont souvent autorisés à quelques piques directes à l’encontre de leur(s) précédent(s) experts, mais de façon assez succincte, généralement dans les limites de place prévues par les formulaires classiques d’attestation ; les auteurs des témoignages qui nous restent à découvrir se sont, quant à eux, manifestement impliqués dans une analyse consciente et délibérée de ce qui les a fait souffrir lors de leurs précédentes expertises.

Sexagénaire qui n’a rien perdu de sa causticité intellectuelle malgré la maladie, ancien professeur technique spécialisé, Sylvie P. est un parfait exemple de cette tonalité nouvelle. C’est très consciemment qu’elle a tenu à dactylographier son attestation (trois des quatre attestations qui viennent sont dactylographiées), et c’est non moins consciemment qu’évoquant sa contre-expertise, elle bascule soudain au passé simple – le temps de l’Histoire (« Saint Louis fut un roi juste et bon »)1 – avant de conclure sur une moralité dont l’aspect exemplaire est clairement souligné :

« L’expertise pour un être humain qui souffre est une rude épreuve (…) »

tandis que réveiller l’expert qui dort frise la provocation :

« Il a réagi violemment… »

Pour le reste, les thèmes de l’attestation recouvrent ceux que nous avons le plus souvent rencontrés : l’accueil de l’expert, le temps de la consultation (« pendant deux heures »), l’attention prêtée tant aux dires du demandeur qu’aux pièces du dossier, le souci de comprendre (les questions sur les antécédents médicaux), l’absence d’idées préconçues (« un cours sur les bienfaits de la vaccination »), l’absence de mépris :

« Pour la première fois (…) je me sentis prise au sérieux. »

Même – et surtout – quand ils ne sont pas « pris au sérieux », les requérants sont quand même assez malins pour apercevoir le lien entre la méthode de l’expert et sa performance finale : interroger le malade « aurait évité de nombreuses erreurs dans son expertise », tandis que le résultat d’un rendez-vous où il n’y a eu que « peu d’échange » tient, logiquement, « en une ligne ». Il est non moins logique que lorsqu’un Professeur a « pris connaissance » du dossier, sa conclusion « se rapproche de celle du Dr Girard »…

Sauf erreur, Mme P. est aussi la première à introduire comme paramètre important que l’expert accepte les accompagnants de la victime : on ne sait pas si lesdits accompagnants fonctionnent comme « témoins » (« le Dr C*** a tout d’abord refusé que je sois accompagnée d’un témoin ») ou bien si « la rude épreuve » de l’expertise est telle que n’importe qui d’autre que l’expert vaut pour un ami bienvenu (« ma famille », composée pour l’occasion de « ma marraine et mon Avocate »). Mais il est certain que cette acceptation contribue au climat de l’expertise :

« Pour la première fois, je me sentis en confiance. »

Avec l’attestation suivante, nous allons voir que la présence de tiers peut même conditionner bien davantage qu’un simple climat.

  1. Pour le fameux Grévisse (Le bon usage), « le passé simple peut s’employer (…) pour exprimer une vérité générale, un fait d’expérience, un aphorisme » et il vise à marquer « la portée générale de la pensée » : on ne saurait mieux dire.