Gardasil et questions de tolérance

L’excellent Docteurdu16 a ouvert ses colonnes à notre consoeur Claudina Michal-Teitelbaum, pour une présentation du colloque qui s’est tenu à Paris le 23 juin 2014, et qui était consacré à Gardasil.

Dans le texte qui suit (et qui a été également posté sur le forum suivant l’article de CMT), je me contente de réagir rapidement à l’idée que les participants à ce colloque auraient délibérément choisi de ne pas s’appesantir sur les effets indésirables: ce, parce que cette question leur apparaissait de nature à déclencher des “réactions passionnelles”, qui eussent été préjudiciables à un “débat scientifique argumenté”1.


Il est difficile de justifier le parti-pris de ne pas aborder la question des effets indésirables, alors que : i) il s’agit d’un paramètre crucial pour l’évaluation de la « défectuosité » susceptible de fonder les recours judiciaires civils (le niveau de sécurité auquel on peut « légitimement » s’attendre) ; ii) concernant un traitement à visée préventive, dont le bénéfice attendu est infinitésimal à l’échelle individuelle (celle qui gouverne, on s’excuse de le rappeler, le consentement informé), le seul risque « légitime » doit donc être infra-infinitésimal, alors que les méthodes pour mesurer un tel risque infra-infinitésimal font évidemment défaut (c’est un spécialiste de pharmacovigilance qui parle…) – n’en déplaise à ceux qui s’imaginent qu’en recherche clinique, il suffit d’appliquer des modèles « statistiques » sans jamais s’interroger ni sur la qualité, ni sur la signification (clinique) des données.

En d’autres termes, la tolérance des vaccins est LE paramètre crucial de leur légitimité et de leur acceptabilité, même si je suis d’accord que ce serait mieux si ces produits pouvaient offrir la moindre preuve solide de leur efficacité : mais dans l’hypothèse où ils seraient très peu efficaces, où serait le problème s’ils étaient parfaitement tolérés (je simplifie un peu, en omettant les questions économiques)2 ?

En tout état de cause, si l’on sort de la propagande inepte des autorités consistant à évoquer LA vaccination comme une entité globale en lieu et place des vaccins comme médicaments parmi d’autres, le schéma d’analyse gagne à s’inspirer des principes technico-réglementaires qui gouvernent, chronologiquement, la vie d’un médicament quel qu’il soit : i) développement (incluant notamment une évaluation du rapport bénéfice/risque dans des conditions expérimentales en principe optimales) ; ii) enregistrement ; iii) après commercialisation, qui se subdivise elle-même en iiia) pharmacovigilance et iiib) publicité. Toutes étapes où 3), il existe des lois et des réglementations particulièrement contraignantes, parfois depuis des siècles. Il s’avère que c’est à chacune de ces étapes que, dans le cas de Gardasil, le processus s’est trouvé grossièrement pris en défaut, et que c’est facile à montrer quand on prend le problème de cette façon linéaire : ça permet d’esquiver les embrouilles visant à détourner les problèmes de tolérance dans des questions d’efficacité (ou l’inverse), à noyer les questions du court terme dans les arguties sur le long terme (ou l’inverse), ou à brouiller dans du baratin statistique les violations patentes de la réglementation en vigueur… Et ça permet de conclure sans effort démesuré que, médicalement tout autant que juridiquement, Gardasil est bien un produit « multidéfectueux ».

  1. Plus de 30 ans de pharmacovigilance m’ont convaincu qu’il est parfaitement possible d’avoir un “débat scientifique argumenté” sur les effets indésirables – et j’espère que les visiteurs du présent site m’en donneront acte…
  2. De ce propos rapide qui tire sur ce qu’on appelle en mathématiques “le raisonnement par l’absurde”, seuls les abrutis peuvent déduire que j’en suis à recommander les vaccinations pour autant qu’elles soient bien tolérées…
  3. N’en déplaise à Debré et Even qui appellent de tous leurs vœux “l’indispensable réglementation que chacun attend”.