Soixante-dix sept médicaments placés “sous haute surveillance”…

… tandis qu’une étude s’est échappée.

C’est sans doute l’ironie du sort qui conduit les autorités sanitaires françaises à publier une liste de médicaments “sous haute surveillance”, le jour même où la presse nous apprend qu’une étude finlandaise a identifié un lien de causalité “probable” entre le vaccin H1N1 et le développement de narcolepsies – chez l’enfant surtout…


Si l’on en croit Le Monde du 01/02/11, le nombre de narcolepsies rapportées chez l’enfant aurait triplé après la campagne de vaccination contre la grippe porcine, tandis que 90% des malheureux concernés auraient reçu le fameux vaccin Pandemrix – dont nous n’avons cessé de dénoncer le développement précipité malgré des signes tangibles de toxicité inhabituelle1.

Si l’on s’en tenait au célèbre article2 – toujours cité quoique jamais lu – de l’excellent Hill qui a depuis lors donné son nom aux critères de causalité normalement utilisables en épidémiologie, il n’y aurait aucune raison de retarder les mesures qui s’imposent quand les preuves vont à ce point de soi qu’elles dispensent d’études confirmatives…

Telle n’est point l’opinion de nos grands experts de l’AFSSAPS lesquels, selon la liste publiée aujourd’hui même, se contentent de programmer un “Examen par le CTPV prévu en 2011” (sans plus de précision) pour les vaccins contre la grippe saisonnière (auxquels on a habilement associé celui contre le H1N1), alors que plus spécifiquement visés par la récente étude finlandaise, les vaccins anti-H1N1 peuvent, eux, se contenter “d’un suivi en cours”: car tels sont les effets conjugués de la logique et de la “surveillance particulièrement proactive” vantée par l’AFSSAPS. Quant aux “mesures adaptées” promises par cette même AFSSAPS dans le contexte d’une surveillance aussi “renforcée”, elles consistent à mettre tout le poids des autorités sanitaires dans la balance pour inciter les gens à vacciner leurs enfants contre “ce mal qui répand la terreur” que l’on appelle grippe (et qui, voici peu encore, était à peine suffisant pour justifier une dispense d’école) – probablement au motif que l’étude finlandaise semble désigner les enfants comme particulièrement à risque de complication avec les vaccins de ce type3.

Ça, c’est de la “haute surveillance” ou je ne m’y connais pas4.

Le cynisme des autorités étant ainsi parfaitement confirmé, force est cependant de constater qu’elles pédalent de plus en plus manifestement dans le yaourt – un peu comme certain régime tunisien voici encore quelques jours: forcées d’affronter une crise de confiance qui les a manifestement prises au dépourvu, elles s’imaginent rassurer les foules en présentant, parmi d’autres, les vaccins contre l’hépatite B comme exemples – je cite – d’une “surveillance particulièrement pro-active” qui équivaut à – je cite toujours – “une garantie pour les patients”!… Rappelons, à toutes fins utiles, que lorsque la Direction Générale de la Santé, sous l’impulsion de M. Douste-Blazy, lança la campagne de vaccination scolaire en septembre 1994, elle était manifestement dans l’ignorance de “l’enquête nationale de pharmacovigilance” lancée trois mois plus tôt par l’Agence du médicament, alarmée par la toxicité neurologique manifestement “singulière” des vaccins contre l’hépatite B5: en matière de “garantie”, on a déjà vu plus rassurant…

Documentant de cet exemple parmi d’autres le cynisme des “autorités”, je ne vise pas seulement les responsables sanitaires.

  • J’ai déjà eu l’occasion d’ironiser sur la proactivité du Parquet dans l’affaire Médiator: cette ironie se renforce encore du contraste avec l’inertie (voire l’obstruction) du même Parquet dans l’affaire de la vaccination contre l’hépatite B, dont l’instruction, sauf erreur de mémoire, a été ouverte depuis 1998 et qui, à la différence du produit de Servier, concerne – elle – des médicaments toujours sur le marché et scandaleusement promus malgré l’évidence du risque…
  • Quant aux politiques…

Comment s’intitulait, déjà, ce rapport déjà ancien (08/06/06) du Sénat consacré aux défaillances de l’évaluation pharmaceutique et aux “moyens d’y remédier”?

Restaurer la confiance

  1. Bizarrement, on apprenait voici peu que le descendant naturel de ce vaccin, Arepanrix, avait brutalement été retiré du marché par le fabricant, sans raison documentable: les paranos des “sectes” anti-vaccinales vont encore imaginer – à tort évidemment – que le fabricant a reçu des autorités, avant tout le monde, des informations compromettantes sur l’étude dont les résultats viennent juste d’être publiés…
  2. Hill AB. The environment and disease: association or causation? Proc R Soc Med 1965;58:295-300.
  3. On a déjà vu quelque chose d’approchant avec l’exhortation à vacciner contre l’hépatite B les enfants de moins de deux ans, une fois falsifiés les dossiers attestant que le risque neurologique existe également dans cette tranche d’âge – et qu’il est redoutable.
  4. Pour le reste, on se contentera de remarquer que la liste publiée par l’AFSSAPS ne retient quasiment aucun des médicaments que j’avais signalés comme posant des problèmes significatifs de tolérance eu égard à leur bénéfice documentable. Ce, alors même que comme tout médecin raisonnable, je ne prétends pas maîtriser plus de 1% des médicaments listés dans le Vidal. Je laisse aux confrères qui les prescrivent la responsabilité de documenter l’excellent rapport bénéfice/risque des 99% restant…
  5. Cf. le récapitulatif de cette histoire édifiante au chapitre 5 de mon livre.