La preuve à l’épreuve de la science – Partie II

L’expertise comme élément de preuve

Rien n’est plus ravageant, pour les magistrats ou les avocats, que le conflit d’experts, qui les contraint à devoir choisir entre expertise et contre-expertise. Comment leur épargner la voie périlleuse de se conduire alors en contre-contre-experts?

Il s’agit donc ici d’inventorier des critères intrinsèques permettant d’évaluer de façon relativement systématique et objective la valeur d’une expertise : bonnes et mauvaises justifications d’une mesure d’expertise, choix du technicien (crédibilité a priori), critique de l’expertise (crédibilité a posteriori)…


Je ne passerai pas beaucoup de temps à documenter le grave problème de compétence qui travaille l’expertise judiciaire de notre pays : lors de ma dernière intervention devant un public d’avocats, une salve d’applaudissements aussi nourris qu’unanimes m’a interrompu lorsque, sans penser à mal, j’ai proféré qu’en France, “on était présumé compétent parce qu’on était expert, au lieu d’être expert en reconnaissance d’une compétence éprouvée”. Qu’il me soit donc permis de m’en remettre à cette récente expérience pour ne point avoir à justifier plus précisément le souci qui sous-tend la présente communication.

Celle-ci se fera sur la base de diapositives tirées de l’expérience (cf. pièce jointe). Dans les lignes qui suivent, seules quelques-unes feront l’objet d’un bref commentaire. Le lecteur intéressé pourra trouver de plus amples développements dans un article déjà ancien1 ainsi qu’aux chapitres 2 et 5 de mon récent livre.

Diapo 3 Qu’il y ait actuellement trop d’expertises judiciaires est un constat qui me paraît aller de soi. Outre le coût additionnel et l’allongement des délais (qui, dans les affaires de santé publique, aggravent l’inégalité des armes entre des institutions médico-industrielles surpuissantes et des victimes ruinées par la maladie, parfois menacées par la mort ou la déchéance physique), il convient de rappeler cette évidence qu’une 3e expertise n’est jamais susceptible de résoudre le problème soulevé par l’antagonisme de deux expertises précédentes: outre que 2 contre 1 n’a statistiquement jamais correspondu à quelque preuve que ce soit, le risque existe, également, que cette expertise s’inscrive elle-même en faux avec les deux autres. Faut-il rappeler le récent procès Courjault? Il est donc important d’exhorter les avocats à ne pas se résigner trop naturellement à la mesure d’expertise (sachant que les textes en vigueur permettent quand même de contester le bien-fondé d’une telle mesure).

Au passage et sur la base d’une expérience réitérée de la question, je me permets de regretter à quel point “le contradictoire” – quand il est réduit à un pompeux formalisme – peut servir de mauvais prétexte. Ainsi de cet expert honoraire, ayant exercé les plus éminentes responsabilités dans la corporation, qui raccompagnait individuellement les parties en fin d’expertise quasiment sans leur adresser la parole en vertu d’une conception très ombrageuse du “contradictoire” et qui, alors que je l’invitais un jour à vérifier un point important dans un dire, explosa dans un cri du coeur: “tu ne crois quand même pas que je vais m’emmerder à lire leurs dires!” Ainsi encore de cette course à la récusation, après une réunion d’expertise manquée par des avocats qui n’avaient pas pris leur train à temps, et qui est montée jusqu’en cassation sans que les magistrats consultés n’aient l’idée pourtant simple de rappeler que: 1/toutes les parties en cause avaient été fort régulièrement convoquées; 2/ l’expertise en question se faisait essentiellement sur dossier et n’appelait aucune vérification directe; 3/ les experts s’étaient engagés à produire un pré-rapport…

Au passage, juste un mot sur l’expertise privée pour en rappeler le grand risque: que l’expert ainsi choisi ne bascule au rôle d’avocat, et qu’il ajuste son évaluation relativement aux intérêts de la partie qui le rémunère… C’est, malheureusement, un biais fréquent dans les pays anglo-saxons où chaque partie se présente avec son ou ses experts.

Diapo 6 Le justice affiche haut et fort son rejet des “experts à plein temps” sans jamais se donner le moyen pourtant simple de mettre ce voeu pieux en application: exiger de ses experts une déclaration de revenus, qui permettrait de discriminer entre les revenus de l’expertise et les autres, et de repérer, par conséquent, ceux – il n’en manque pas, hélas – qui sont incapables de justifier d’une activité extra-judiciaire décente…
Cette légèreté de la justice quant à l’insertion réelle de ses experts dans le milieu technico-scientifique où ils prétendent exceller est encore illustrée, symétriquement, par les éléments ci-après.

  • Les incohérences incroyables de la jurisprudence dès qu’un expert se trouve effectivement confronté à des conflits d’intérêts attestant la réalité de son insertion dans le milieu en question, surtout si ce milieu est étroit. Il est certaines spécialités où l’inéluctabilité des conflits d’intérêts est bien le gage d’une compétence réelle: qui, en France, imagine un expert en chemins de fer qui n’aurait jamais travaillé avec la SNCF? (Nous reviendrons plus précisément sur cette question dans la Partie III).
  • L’imprudente jurisprudence de la Cour de cassation concernant les collaborations éventuelles d’un expert avec “la concurrence” d’une des parties dans la cause. Si, dans certains milieux technico-scientifiques étroits, une compétence réelle appelle nécessairement des conflits d’intérêts, n’importe quelle compétence authentique présuppose forcément des collaborations multiples avec les “concurrents” de la partie appelée dans la cause: dans un procès concernant une voiture Ford, quel “expert” pourrait décemment justifier une compétence s’il n’a jamais travaillé avec aucun concurrent de ce fabricant – Renault, Citroën, Toyota, Opel, Fiat ou que sais-je encore?… Quel spécialiste d’informatique n’aura pas, de près ou de loin, fréquenté au moins un concurrent de la partie en cause ? C’est un signe impressionnant d’une irréflexion généralisée relativement aux questions d’expertise judiciaire dans notre pays que la presse spécialisée, loin de dénoncer comme atterrante une telle jurisprudence, ait crû bon de l’analyser comme indice “d’intransigeance”2: si l’intransigeance avait été le maître-mot de préférence à “inconséquence”, c’est toute l’expertise judiciaire de notre pays qui eût dû être instantanément paralysée par de tels arrêts…

Diapo 7 Lorsqu’un expert peut justifier ne pas “tout devoir à la justice” et qu’il peut se prévaloir de titres et travaux conséquents, il lui revient néanmoins de faire preuve d’un minimum d’auto-évaluation critique pour apprécier en conscience si la mission qu’on lui confie relève bien de sa compétence effective: le patron d’un service d’ORL n’a probablement plus jamais effectué d’amygdalectomies depuis au moins 20 ans, et j’ai raconté ailleurs l’histoire de cet éminent obstétricien qui a soulevé l’indignation de ses collègues en acceptant d’être expert dans une affaire d’échographie, quand il était de notoriété publique qu’il n’avait lui-même jamais pratiqué un tel examen…

Diapo 9 Ce choix de spécialité ne sera évidemment pas facilité par la nouvelle nomenclature, malgré les longues années qu’il a fallu à la Compagnie Nationale pour la mettre au point…

  • Je mets quiconque – et les juristes en particulier – au défi de m’expliquer ce qui distingue la pharmacologie “fondamentale” de la pharmacologie “biologique”, et de me dire pourquoi celle-ci devrait être distinguée de celle-là quand celle-là peut être confondue avec la pharmacologie “clinique”…
  • Je rappelle que les biostatistiques sont faites par des biostatisticiens, que l’informatique est faite par des informaticiens et que les “technologies de la communication” vont plutôt chercher des gens avec une formation commerciale pouvant concerner tout autant les savonnettes que les machines agricoles: je peine à apercevoir le dénominateur commun de tous ces gens-là.
  • Je m’interroge avec perplexité sur ce que pourrait être une biochimie qui ne serait pas biologique…
  • Je me demande, non sans perplexité, pourquoi “l’hygiène hospitalière” devrait prendre en compte bactéries et virus, mais ignorer parasites et champignons – sachant de plus qu’il ne manque pas de bons spécialistes pour tenir les virus comme une forme de parasites…

Et je me dis pour conclure que si les meilleurs-experts de la Fédération ont eu besoin de si longtemps concocter une nomenclature aussi incongrue, je souhaite bien du plaisir aux magistrats pour procéder à un choix de spécialité pertinent dans les affaires complexes et intriquées où ils auront à ordonner une expertise.

Diapo 10 A titre d’illustration, je propose un pointage effectué voici quelques années déjà, mais qui ne serait pas fondamentalement modifié aujourd’hui (les juridictions tendant à toujours nommer les mêmes experts dans ce type de procès). Il démontre que dans une affaire qui appelle essentiellement deux types de compétence – la pharmaco-épidémiologie et le technico-réglementaire pharmaceutique – on n’aperçoit aucun expert pouvant s’en prévaloir. Sans entrer dans un détail technique disproportionné pour documenter les perles résultantes dans les rapports correspondants, qu’il suffise de noter que relativement à un corpus dont l’essentiel est rédigé en anglais, la justice n’a jamais eu aucun scrupule à missionner des “experts” qui n’ont pas la moindre maîtrise de cette langue…

Diapo 11 Une circulaire déjà ancienne de la Chancellerie stipulait que le choix du collège expertal devait être l’exception: elle est malheureusement bien oubliée aujourd’hui (malheureusement, en particulier, pour la partie supposée payer le surcoût correspondant) et je liste sans m’y étendre diverses raisons profondes démontrant que cette option est le plus souvent une mauvaise solution. Je rappelle qu’il est toujours loisible à un expert partiellement dépassé sur sa compétence propre de s’adjoindre le secours d’un ou plusieurs sapiteurs, la différence avec le collège étant que ceux-ci opèrent alors sous sa seule responsabilité et qu’il reste maître à bord.

Diapo 13-18 Si la conscientisation des conflits d’intérêts a spectaculairement progressé dans le public au cours de ces dernières années, la justice reste encore fort en retrait sur ce problème: il n’est pas rare que les questions pourtant légitimes d’un avocat se heurtent aux dénégations outrées d’un expert protestant de voir “son honneur” ainsi mis en cause. Dans une récente affaire de complication vaccinale, j’ai pu documenter que le professeur de neuro-pédiatrie désigné comme expert avait des liens patents avec le fabricant du vaccin mis en cause – situation d’autant plus gênante que les arguments invoqués pour exonérer le fabricant étaient d’une incongruité rare (la causalité d’un important retard de langage y était réfutée au motif qu’au moment de la vaccination, l’enfant – alors âgé de 2 ans jour pour jour – n’avait déjà pas “un langage structuré”!!!): les magistrats concernés n’en ont pas été émus pour autant…

En tout état de cause, il faut bien voir que la question posée avec les liens d’intérêts (dont on a rappelé plus haut qu’ils étaient parfois inéluctables) n’est qu’un élément parmi d’autres dans la constellation des circonstances qui peuvent menacer l’impartialité: on pense ici tout particulièrement aux liens d’affiliation – notamment dans un milieu aussi féodal que la médecine. Rappelons également que les liens d’intérêts ne se réduisent pas à l’enrichissement personnel (Diapo 16) et que, de toute façon, la notoriété tirée d’un lien de prestige non rémunéré peut-être une source au moins secondaire d’enrichissement (ce qui explique entre autres pourquoi les experts “payés comme des femmes de ménage” n’ont d’autre priorité que de se faire réinscrire à ce collier de misère une fois qu’ils ont été radiés…)

Il faut également prendre avec des pincettes les légitimations a posteriori des experts pris la main de le sac de la dissimulation (Diapo 16). C’est pourquoi et même s’il n’offre pas une garantie absolue, on retiendra comme critère cardinal la spontanéité de l’expert dans l’explicitation des liens susceptibles de jeter un doute sur son indépendance. Et l’on soulignera qu’il n’appartient pas à l’intéressé de décider, du haut de sa Subjectivité, ceux des liens qui lui paraissent non significatifs: telle devrait être, d’ailleurs, la philosophie sous-jacente à la notion d’impartialité “objective”.

Diapo 19 Il faut également bien comprendre que ce qui menace l’impartialité de l’expert judiciaire, c’est son manque de statut, la précarité de sa position et sa vulnérabilité tant aux sévices des parties qu’aux représailles des magistrats (ces derniers gardant sur sa rémunération un pouvoir d’appréciation proprement exorbitant). Je reviendrai plus précisément sur ces questions dans ma troisième intervention (Partie III).

Diapo 20 La crédibilité d’un rapport tient d’abord à des critères de présentation non spécifiques, qui reflètent le soin apporté par l’expert à sa mission, sa considération à l’égard des parties, sa représentation du processus judiciaire dans la durée: a-t-il bien compris, en particulier, que son interlocuteur naturel, ce n’est pas seulement le magistrat du contrôle, ni le juge du fond? Ce sont toutes les parties (y compris celles susceptibles d’être appelées ultérieurement dans la cause), tous les avocats (y compris ceux que les parties pourraient mandater en remplacement d’un précédent), les juges de première instance, mais également ceux de la Cour d’appel, ceux de la Cour de cassation (ou du Conseil d’Etat) – et, pourquoi pas, de la cour européenne de Strasbourg. Cela mérite un minimum d’efforts de présentation et de lisibilité…

A supposer, d’autre part, que les questions de compétences absolues (Diapo 6) et relatives (Diapo 7) aient été bien posées en début d’expertise, encore faut-il veiller à ce qu’elles le restent au cours des opérations. Dans une affaire d’encéphalopathie post-vaccinale gravissime chez un bébé (dont l’indemnisation se discutait aux alentours de 1 millions d’euros), un neuro-pédiatre renommé avait conclu à la responsabilité du vaccin incriminé, avec une clarté rare en pareille espèce. Le tribunal administratif avait alors nommé un collège composé d’un pédiatre banal et d’une pharmacologue, laquelle avait totalement inversé les conclusions du précédent rapport en posant, sur la base d’un examen complémentaire complexe interprété à la lumière d’une référence bibliographique qu’elle citait, que la cause du désordre ne pouvait être qu’une infection virale – et le TA s’était rangé à ce second avis. Il s’avère cependant que si la désignation d’une pharmacologue dans une affaire de iatrogénie médicamenteuse ne pouvait être contestée dans son principe, ladite pharmacologue avait enrichi le débat d’une contribution qui échappait totalement à la compétence justifiant sa mission, puisqu’elle s’était prononcée non sur une propriété pharmacologique qui eût pu échapper à un neuro-pédiatre mais sur une question d’ordre infectieux: or, il s’avère que les infections étant effectivement parmi les causes les mieux répertoriées de désordres neurologiques chez l’enfant, les neuro-pédiatres sont, par définition en quelque sorte, supposés compétents en infectiologie – et celui-là, en particulier, était d’une notoriété certaine en ce domaine. A l’inverse, l’experte pharmacologue était, elle, totalement sortie de son domaine de compétence justifiable en contredisant la première expertise sur ce point précis. Gérable ainsi par une simple évaluation des compétences “sur le papier”, le conflit d’experts allait de toute façon trouver un épilogue assez démonstratif puisque, ayant localisé l’auteur de la référence d’infectiologie citée par la seconde experte, je pris contact avec lui pour l’interroger: il me fit comprendre sans excès d’aménité que notre pharmacologue n’avait à peu près rien compris – et osa même me l’écrire… Indiquons, pour finir, le coût potentiel de cette insouciance expertale relativement aux questions de compétence: désavouant l’experte qu’avait initialement suivie le TA, la Cour d’appel allait indemniser les parents aux alentours de un million d’euros3

Enfin, il ne faut pas craindre de tenir une certaine rhétorique d’intimidation scientifique comme un stigmate de mauvaise foi ou d’incompétence:

  • “les experts sont unanimes”: il est bien rare, en sciences, qu’une question fasse l’unanimité4
  • “aucune démonstration scientifique”: c’est quoi, une démonstration non scientifique?
  • “après une recherche bibliographique exhaustive”: ne serait-ce parce que personne ne peut crédibiliser de parler toutes les langues employées par les scientifiques dans leurs publications (dont l’arabe, l’hébreux, l’allemand, le néerlandais, le chinois, le japonais, et j’en passe), la revendication “d’exhaustivité” sous la plume d’un expert sonne surtout comme le naïf aveu d’une regrettable incompétence dans l’exploration des bases internationales de données bibliographiques, souvent confirmée par d’effarantes erreurs de transcription dans les quelques citations supposées concrétiser l’exhaustivité… Le fantasme de la bibliographie “exhaustive”, c’est le Landerneau de l’expertise…

A l’inverse, il faut également raison garder devant les mouvements du coeur chez un expert dépassé et qui, faute d’arguments, espère emporter l’adhésion en assénant que “en son âme et conscience”, il ne croit pas que tel médicament ait pu causer tel dommage: l’imputation des accidents appelle des méthodologies appropriées et objectivables qui dépassent l’intime conviction…

Enfin, je passe sur le scandale du jargon technique ou des abréviations non documentées: ce devraient être des motifs automatiques d’annulation d’une expertise.

Diapo 21 Notamment dans des affaires de dommage médical ayant alimenté un dossier médical volumineux et profus qui s’étend sur des années, le plus compétent des experts peut faire une erreur de lecture, de transcription ou d’interprétation: qu’il lui soit ou non demandé par sa mission, le pré-rapport devrait s’imposer naturellement comme indicateur élémentaire de conscience auto-critique. Avant de mettre en circulation un rapport qui alimentera une procédure qui peut elle aussi s’étendre sur des années, ce devrait être la moindre des choses que l’expert saisisse, via le pré-rapport, l’occasion de faire rectifier par les parties concernées les plus voyantes de ses erreurs: cela n’est malheureusement pas la règle… De même que si les experts ont fini par comprendre qu’ils doivent annexer les dires à leur rapport, nombre d’entre eux n’ont toujours pas saisi l’esprit de cette exigence pourtant élémentaire, à savoir qu’il leur convient de répondre effectivement à ces dires – ne serait-ce que pour documenter qu’ils sont dilatoires quand c’est le cas.

Ce que l’expérience atteste, là encore, c’est que le contradictoire – compris comme un esprit (pré-rapport systématique, prise en compte effective des dires…) est un indicateur fort de la compétence expertale: un expert sûr de lui n’a jamais peur d’affronter la critique des parties – ou, encore plus simplement, leurs demandes de précision… Il ne craint jamais, non plus, de reconnaître qu’il ait pu commettre une erreur…

Diapo 22 L’exigence de cohérence est sans aucun doute la voie la plus démocratique pour résister à la dictature des experts: un expert qui dit tout et son contraire, ça fait quand même désordre – et il ne faut pas avoir peur de le dire…

Enfin, qu’elle soit judiciaire ou non, l’expertise – processus d’évaluation – est fondamentalement distincte du processus de décision (lequel, en matière judiciaire, échoit au juge). Un indice parmi les plus nets de la mauvaise expertise, c’est lorsque – subtilement ou pas – l’expert cherche à influencer la décision. Il en va ainsi quand, dans les affaires où une IPP de 25% signe le seuil d’indemnisation, l’expert s’arrange toujours pour ne pas dépasser 24,9%… Ou encore quand il s’autorise à n’importe quelle torsion de l’histoire médicale pour démontrer que la maladie s’est révélée plus “juste après ” le délai jugé par la jurisprudence – à tort ou à raison – compatible avec une causalité iatrogène5

Document joint

  1. Girard, M., L’environnement, facteur tératogène pour l’expertise. Juris-Classeur, Environnement, 2004(4): p. 9-11
  2. L’expertise, l’impartialité et le conflit d’intérêts. Note d’A. Penneau. Recueil Dalloz, 2003, n°33: 2260-4
  3. L’affaire est actuellement devant le Conseil d’Etat
  4. L’un des meilleurs-experts qui s’est le plus trompé sur la grippe porcine n’a pas craint d’intituler le livre qu’il a cosigné en sept. 2009: “La vérité sur la grippe AH1N1″ A quelques semaines de là, dans le même groupe éditorial, un autre ouvrage (pourtant beaucoup plus difficile à prendre en faute) sous-titrait plus modestement: “Comprendre et choisir”. Il y a toute une éthique de la connaissance – et de la communication scientifique – dans l’espace entre ces deux titres…
  5. Réagissant à l’exécution d’une américaine apparemment subdébile, le directeur de l’association “Ensemble contre la peine de mort” accuse le psychiatre qui l’a examinée d’avoir délibérément fixé son quotient intellectuel à 72, la limite interdisant l’exécution étant à 70 (L’Express.fr, 24/09/10). J’ignore si cette accusation est justifiée, mais on a là, en tout cas, un magnifique exemple, de la façon dont un expert peut empiéter sur le processus de décision